Cour de justice de l’Union européenne - MONZ HANDELSGESELLSCHAFT LNTERNATIONAL MBH & CO. KG c/ BÜCHEL GMBH & CO. FAHRZEUGTECHNIK KG.
Date de la décision
16-02-2023
N° de la décision
C-472/21
Type de jurisprudence
Modèles
Juridiction
Cour de justice de l’Union européenne
Parties
MONZ HANDELSGESELLSCHAFT LNTERNATIONAL MBH & CO. KG c/ BÜCHEL GMBH & CO. FAHRZEUGTECHNIK KG.
L’utilisation normale d’un produit complexe s’interprète à la fois du point de vue de l’utilisateur final et de l’observateur extérieur. Cette utilisation normale comprend le stockage et le transport du produit complexe mais exclut son entretien, son service ou sa réparation.
Monz est une société allemande titulaire d’un dessin ou modèle enregistré en 2011 auprès de l’Office allemand concernant des “selles de vélo ou de moto” :
Une seconde société allemande, Buchel, forme une action en nullité du dessin ou modèle devant l’Office allemand considérant que la selle déposée ne satisfait pas aux exigences de l’article 4 de la loi allemande sur la protection des dessins transposant la directive 98/71 et concernant les pièces incorporées à des produits complexes.
En effet, la société Buchel considère que la selle n’est pas visible lors de l’utilisation normale d’un vélo ou d’une moto et donc ne pourrait bénéficier de la protection due aux dessins et modèles.
Par décision du 10 août 2018, l’Office allemand a rejeté la demande de nullité et considère qu’il s’agit certes d’une pièce d’un produit complexe mais qu’elle reste visible lors de l’utilisation normale, utilisation qui inclut notamment le démontage et le remontage de la selle.
La société Buchel forme alors un recours devant la Cour fédérale des brevets allemande.
Le 27 février 2020, la Cour a prononcé la nullité du dessin ou modèle en cause. La Cour considère que seules les pièces qui restent visibles une fois montées ou incorporées au produit peuvent bénéficier de la protection et que ce n’est pas le cas de la selle en l’espèce.
Le fait que la pièce ne soit visible que lorsqu’elle est séparée du produit complexe empêche sa protection au titre du droit des dessins et modèles. Pour la Cour, l’utilisation normale du vélo est le fait de rouler, de monter sur le vélo/la moto ou d’en descendre.
La société Monz, titulaire du dessin et modèle, forme un pourvoi à l’encontre de cette décision devant la Cour fédérale de justice allemande.
La Cour fédérale de justice allemande, si elle confirme le fait qu’un vélo représente un produit complexe dont la selle représente une des pièces, s’interroge toutefois d’une part, sur l’interprétation de l’exigence de "visibilité" prévue à l’article 3, § 3 et 4, de la directive 98/71 et, d’autre part, sur les critères à utiliser pour caractériser "l’utilisation normale" d’un produit complexe par l’utilisateur final.
Dans ces conditions, la Cour fédérale de justice allemande décide de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il de considérer qu’une pièce qui matérialise un dessin ou modèle est déjà “visible” au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive [98/71] lorsque l’on peut objectivement reconnaître le dessin ou modèle une fois la pièce montée ou le facteur déterminant est-il la visibilité sous certaines conditions d’utilisation ou d’après un certain angle de vue de l’observateur ?
2) S’il convient de répondre à la première question en ce sens que le facteur déterminant est la visibilité sous certaines conditions d’utilisation ou d’après un certain angle de vue de l’observateur :
a) l’appréciation de l’“utilisation normale” d’un produit complexe par l’utilisateur final au sens de l’article 3, paragraphes 3 et 4, de la directive [98/71] dépend-elle de l’utilisation voulue par le producteur de la pièce ou du produit complexe ou de l’usage habituel du produit complexe par l’utilisateur final ?
b) d’après quels critères convient-il d’apprécier si l’utilisation d’un produit complexe par l’utilisateur final est “normale” au sens de l’article 3, paragraphes 3 et 4, de la directive [98/71] ? »
La Cour de justice de l’Union européenne répond en ces termes :
L’article 3, paragraphes 3 et 4, de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles, doit être interprété en ce sens que :
- l’exigence de “visibilité” doit être appréciée au regard d’une situation d’utilisation normale du produit complexe, de sorte que la pièce concernée, une fois incorporée dans ledit produit, reste visible lors d’une telle utilisation ;
- à cette fin, la visibilité d’une pièce d’un produit complexe lors de son “utilisation normale” par l’utilisateur final doit être appréciée du point de vue de cet utilisateur ainsi que de celui d’un observateur extérieur, étant précisé que cette utilisation normale doit couvrir les actes accomplis lors de l’utilisation principale d’un produit complexe ainsi que ceux qui doivent être habituellement accomplis par l’utilisateur final dans le cadre d’une telle utilisation, à l’exception de l’entretien, du service et de la réparation.