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Cour de justice de l’Union européenne - Christian LOUBOUTIN c/ AMAZON


Date de la décision

22-12-2022

N° de la décision

C-148/21 et C-184/21

Type de jurisprudence

Marques

Juridiction

Cour de justice de l’Union européenne

Parties

Christian LOUBOUTIN c/ AMAZON



Contrefaçon de marque sur une place de marché en ligne par l’exploitant faisant usage d’un signe identique ou similaire dans le cadre de sa propre communication commerciale, notamment par un mode de présentation uniforme des annonces.

Le créateur français Christian Louboutin, connu pour ses chaussures aux semelles rouges, est le titulaire pour ces dernières d’une marque Benelux, enregistrée en 2005, et d’une marque de l’Union européenne, enregistrée en 2016.

En 2019, après avoir constaté sur la plateforme de vente en ligne Amazon, la diffusion par des tiers de publicités qui, selon lui, contreferaient ses marques, Christian Louboutin a engagé une action en contrefaçon de marques à l’encontre d’Amazon, devant les juridictions luxembourgeoise et belge.

Il reprochait, dans les deux cas, à Amazon d’avoir porté atteinte à ses marques en raison, notamment, de l’affichage sur les sites Internet de vente en ligne de cette société, d’annonces relatives à des chaussures à semelles rouges, dont la mise en circulation n’aurait pas fait l’objet d’un consentement de la part du titulaire, mais aussi de la détention, de l’expédition et de la livraison de ces mêmes produits. Le titulaire de la marque estime qu’Amazon, jouant un rôle actif dans l’optimisation de la présentation des offres de vendeurs tiers, ne saurait être considéré comme un simple hébergeur, justifiant une action sur le fondement de ses marques à l’encontre d’Amazon.

Les juridictions nationales ont décidé de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après CJUE). Ces affaires ont été jointes.

Ainsi, la CJUE devait déterminer si l’article 9, paragraphe 2, sous a), du Règlement 2017/1001 doit être interprété en ce sens que l’exploitant d’un site Internet de vente en ligne intégrant, outre ses propres offres à la vente, une place de marché en ligne, est susceptible d’être considéré comme faisant lui-même usage d’un signe identique à la marque d’autrui pour des produits identiques à ceux pour lesquels cette marque est enregistrée, lorsque des vendeurs tiers proposent à la vente, sur cette place de marché, sans le consentement du titulaire de ladite marque, de tels produits revêtus de ce signe.

Tout d’abord, la CJUE rappelle qu’au sens de l’article 9, paragraphe 2, du Règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque peut interdire à tout tiers de faire usage dans la vie des affaires, d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.

La CJUE précise que l’expression “faire usage” implique un comportement actif de la part du tiers et une maîtrise, directe ou indirecte, de l’acte constituant l’usage. En ce sens, elle rappelle que l’usage par un tiers suppose, à tout le moins, que ce dernier fasse un usage du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale.

Dès lors, la CJUE se livre dans un premier temps à une appréciation concrète du fonctionnement du site Internet de vente en ligne Amazon. Elle constate qu’à côté de l’offre à la vente de ses propres produits, Amazon exerce une activité de place de marché en ligne en proposant les produits de tiers et en mettant en relation ces tiers et les utilisateurs du site Internet.

Ensuite, la CJUE rappelle que l’usage d’un signe dans le cadre de la communication commerciale d’une entreprise suppose que ce signe apparaisse, aux yeux des tiers, comme faisant partie intégrante de cette communication, relevant ainsi de l’activité de cette entreprise.

Partant, la CJUE indique qu’afin de déterminer si l’annonce publiée par un vendeur tiers sur un site Internet de vente en ligne intégrant une place de marché, utilisant un signe identique à une marque d’autrui, peut être considérée comme faisant partie intégrante de la communication commerciale de l’exploitant dudit site, il y a lieu de vérifier si cette annonce est susceptible d’établir un lien entre les services offerts par l’exploitant et le signe en question, de telle sorte qu’un utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif pourrait croire que c’est ledit exploitant qui commercialise le produit critiqué.

Dans le cadre de cette appréciation, doivent notamment être pris en compte le mode de présentation des annonces, tant individuellement que dans leur ensemble, sur le site Internet en question, ainsi que la nature et l’ampleur des services fournis par son exploitant.

A cet égard, la CJUE considère, d’une part, que le fait pour un exploitant de recourir à un mode de présentation uniforme des annonces, affichant en même temps ses propres annonces et celles des vendeurs tiers, et faisant apparaître son propre logo tant sur son site Internet que sur l’ensemble de ces annonces, est susceptible de donner l’impression aux utilisateurs que c’est cet exploitant qui commercialise, en son nom et pour son compte, les produits des vendeurs tiers. D’autre part, la CJUE indique que cette impression est susceptible d’être renforcée par la nature et l’ampleur des services fournis par l’exploitant, tels que le traitement des questions des utilisateurs relatives à ces produits ou au stockage, à l’expédition et à la gestion des retours desdits produits.

La CJUE conclut que « l’article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement 2017/1001 doit être interprété en ce sens que l’exploitant d’un site Internet de vente en ligne intégrant, outre les propres offres à la vente de celui-ci, une place de marché en ligne est susceptible d’être considéré comme faisant lui-même usage d’un signe identique à une marque de l’Union européenne d’autrui pour des produits identiques à ceux pour lesquels cette marque est enregistrée, lorsque des vendeurs tiers proposent à la vente, sur cette place de marché, sans le consentement du titulaire de ladite marque, de tels produits revêtus de ce signe, si un utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif de ce site établit un lien entre les services de cet exploitant et le signe en question, ce qui est notamment le cas lorsque, compte tenu de l’ensemble des éléments caractérisant la situation en cause, un tel utilisateur pourrait avoir l’impression que c’est ledit exploitant qui commercialise lui-même, en son nom et pour son propre compte, les produits revêtus dudit signe.

Sont pertinents à cet égard les faits que cet exploitant recourt à un mode de présentation uniforme des offres publiées sur son site Internet, affichant en même temps les annonces relatives aux produits qu’il vend en son nom et pour son propre compte et celles relatives à des produits proposés par des vendeurs tiers sur ladite place de marché, qu’il fait apparaître son propre logo de distributeur renommé sur l’ensemble de ces annonces et qu’il offre aux vendeurs tiers, dans le cadre de la commercialisation des produits revêtus du signe en cause, des services complémentaires consistant notamment dans le stockage et l’expédition de ces produits. »