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CA Paris, pôle 5 ch. 2 - NOVARTIS c/ BIOGARAN


Date de la décision

22-03-2023

N° de la décision

22/11165

Type de jurisprudence

Brevets

Pays

France

Juridiction

Cour d’appel de Paris, pôle 5 ch. 2

Parties

NOVARTIS c/ BIOGARAN



Irrecevabilité de l’action en référé fondée sur une demande de brevet non encore délivrée.

La société BIOGARAN était représentée par CASALONGA, avec une équipe composée de Marianne Gabriel et Arnaud Casalonga, avocats au Barreau de Paris, et Jean-Baptiste Lecoeur, avocat au Barreau de Paris et mandataire agréé près l’OEB, au cours de la première action en France portant sur le "Fingolimod".

La société NOVARTIS AG était titulaire de la demande de brevet européen désignant la France n° 2 959 894 (ci-après EP 894) intitulée “Modulateurs du récepteur S1P pour traiter la sclérose en plaques” déposé en tant que demande divisionnaire de la demande de brevet européen n° 2 698 154 (retirée) déposée le 27 septembre 2013, qui est elle-même une demande divisionnaire de la demande de brevet européen n° 2 037 906 (retirée) déposée le 25 juin 2007, ces demandes étant toutes issues de la demande de brevet internationale n°2008/000419 déposée le 25 juin 2007, sous priorité de la demande GB 20060012721 déposée le 27 juin 2006.

L’invention concerne l’utilisation d’un modulateur des récepteurs de la S1P, en l’occurrence le Fingolimod (ou 2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol connu sous le code “FTY720”), initialement découvert en 1992 par une équipe de chercheurs japonais et protégé par un brevet international dont la demande a été déposée le 18 octobre 1994 (PCT n° 94/08943).

Cette demande internationale a, par la suite, conduit à la délivrance d’un brevet européen n°0 627 406 ayant pour titre “Composé 2- Amino-1, 3-Propanediol et immunosuppressé”. Ce brevet concernait les dérivés de 2-amino-1,3-propanediol, utiles en tant qu’agents immunosuppresseurs, lesquels, en réduisant les défenses immunitaires de l’organisme par séquestration des lymphocytes, diminuent les risques de rejet de greffes.

Ce brevet, dont les effets ont été prolongés par la délivrance d’un certificat complémentaire de protection (ci-après CCP), a expiré le 18 octobre 2018.

La demande de brevet EP 894 a été publiée le 30 décembre 2015 au Bulletin européen des brevets n° 2015/53. Elle a fait l’objet de modifications lors de l’instruction de la demande devant la division d’examen de l’Office européen des brevets (ci-après OEB).

En conséquence, le 18 novembre 2019, la société NOVARTIS AG a déposé une nouvelle requête principale.

Le 2 novembre 2020, la demande de brevet EP 894 a été rejetée par la division d’examen de l’OEB pour défaut de nouveauté.

Novartis a formé un recours devant la Chambre de recours de l’OEB.

La société BIOGARAN s’était vu délivrer le 27 mai 2021 une autorisation de mise sur le marché en France pour la spécialité “FINGOLIMOD BIOGARAN 0,5 mg, gélule” qui est un médicament générique de la spécialité GILENYA®. Cette spécialité a été inscrite au Répertoire des groupes génériques par décision du 14 septembre 2021.

Indiquant avoir découvert, le 4 octobre 2021, que la société BIOGARAN avait sollicité la délivrance d’un prix pour sa spécialité générique ainsi que son inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables et le Comité économique des produits de santé (ci-après CEPS) l’ayant informée que la société BIOGARAN s’était engagée à commercialiser sa spécialité générique dans les six mois suivant la publication au Journal Officiel des inscriptions précitées, la société NOVARTIS AG a fait adresser à cette dernière, le 17 janvier 2022, une mise en demeure de ne pas contrefaire l’exclusivité commerciale et ses droits de brevets sur le Fingolimod. Puis, le 16 février 2022, elle l’a informée de ce que, par décision du 8 février 2022, la Chambre des recours de l’OEB avait infirmé la décision initiale de la division d’examen ayant rejeté sa demande de brevet et avait renvoyé la procédure devant celle-ci pour délivrance de la revendication 1 de la requête principale déposée le 18 novembre 2019.

Insatisfaites des réponses apportées par la société BIOGARAN à ses courriers, les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS ont sollicité et obtenu du délégué du Président du Tribunal judiciaire de Paris, l’autorisation de la faire assigner en référé d’heure à heure.

L’assignation a été délivrée le 1er avril 2022 pour une audience de plaidoirie le 13 avril 2022.

Par ordonnance du 3 juin 2022, le Juge des référés a écarté les fins de non-recevoir soulevées par la société BIOGARAN, par lesquelles la défenderesse soutenait notamment que les sociétés NOVARTIS étaient irrecevables en leur action en référé-interdiction fondée sur une demande de brevet non encore délivrée, mais a débouté les sociétés NOVARTIS de l’ensemble de leurs demandes en considérant que la société BIOGARAN avait soulevé des moyens sérieux de nature à remettre en cause l’apparente validité de la demande de brevet opposée.

Les sociétés NOVARTIS ont interjeté appel de cette ordonnance le 20 juin 2022.

En cours de procédure devant la Cour d’appel de Paris, la décision de délivrance du brevet EP 894 a été publiée le 15 septembre 2022 sur le registre de l’OEB et le 12 octobre 2022, la mention de la délivrance a été publiée au Bulletin européen des brevets n°22/41.

C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Paris a rendu sa décision le 20 mars 2023.

Sur la question de la recevabilité d’une demande d’interdiction provisoire fondée sur une demande de brevet non encore délivrée, la Cour d’appel de Paris a infirmé la décision de première instance et a clairement indiqué qu’une demande d’interdiction provisoire ne peut être fondée sur une demande de brevet non encore délivrée :

« en conséquence, à défaut de justifier d ‘une atteinte à un titre au sens de l’article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, soit un brevet délivré, au jour où le juge des référés a statué, la société NOVARTIS AG n ‘était pas recevable et fondée à présenter une telle demande ».

La Cour relève qu’en l’espèce, au jour où le juge des référés a statué, la demande de brevet en question n’avait pas encore été délivrée et que les sociétés NOVARTIS auraient donc dû être déclarées irrecevables en leurs demandes.

Cependant, en raison de l’effet dévolutif de l’appel, qui impose de considérer les faits postérieurs à l’ordonnance de référé, la Cour d’appel a reconnu que les sociétés NOVARTIS étaient désormais recevables en leurs demandes d’interdiction provisoire puisque le brevet avait été délivré entre-temps.

La Cour d’appel de Paris a toutefois rejeté l’ensemble des demandes des sociétés NOVARTIS, considérant, dans une analyse particulièrement détaillée, que « le moyen tiré du défaut d’activité inventive opposé par la société BIOGARAN apparaît comme un moyen sérieux de nature à remettre en cause l’apparente validité de ce titre ».

Aucun recours n’a, à ce jour, été engagé par les sociétés NOVARTIS à l’encontre de cette décision, et la procédure initiée parallèlement en contrefaçon au fond par les sociétés NOVARTIS se poursuit devant le Tribunal judiciaire de Paris.