casalonga logo

CA Paris - SAS MAISONS DU MONDE France c/ SA LEROY MERLIN, SAS BENOIT LE TAPIS BROSSE & SAS ALSAPAN


Date de la décision

15-06-2021

N° de la décision

n° RG 19/11532

Type de jurisprudence

Concurrence déloyale

Pays

France

Juridiction

CA Paris

Parties

SAS MAISONS DU MONDE France c/ SA LEROY MERLIN, SAS BENOIT LE TAPIS BROSSE & SAS ALSAPAN



La société LEROY MERLIN était représentée par Arnaud CASALONGA, avocat au Barreau de Paris.

Estimant qu’un paillasson reprenait la combinaison d’éléments distinctifs de son modèle « Atelier » et qu’une gamme de meubles de style industriel « Multikaz » reprenait la combinaison d’éléments de sa gamme « Docks », la société MAISONS DU MONDE a assigné les sociétés LEROY MERLIN, BENOIT LE TAPIS BROSSE et ALSAPAN en concurrence déloyale et parasitisme.

Par jugement rendu le 8 avril 2019, le Tribunal de commerce de Paris a condamné les sociétés LEROY MERLIN et BENOIT LE TAPIS BROSSE sur le fondement de la concurrence déloyale relativement au le modèle de paillasson mais débouté MAISONS DU MONDE de toutes ses demandes relatives au meuble industriel.

Aux termes de sa décision du 15 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a rejeté toutes les demandes de MAISONS DU MONDE tant sur la concurrence déloyale que sur le parasitisme.

Sur la concurrence déloyale :

La société MAISONS DU MONDE faisait valoir qu’il existait un risque de confusion entre son paillasson et ses meubles d’une part et ceux commercialisés par LEROY MERLIN d’autre part.

Tout d’abord, la Cour rappelle que le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires aux produits (ne faisant pas l’objet de droits de propriété intellectuelle) distribués par un concurrent relève de la liberté du commerce et n’est pas fautif, dès lors que cela n’est pas accompagné de manœuvres déloyales constitutives d’une faute telle que la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit.

En l’espèce, la Cour d’appel estime que MAISONS DU MONDE n’a pas démontré le risque de confusion entre son paillasson et celui de LEROY MERLIN en ce qu’il présente des « éléments communs comme le terme « Bienvenue » qui est banal pour un paillasson souvent posé à l’entrée d’une habitation, et une grande horloge de gare sur la gauche, ainsi qu’une représentation de la tour Eiffel sur la droite et le nom de la ville de Paris » et que ces éléments sont représentés de manière très différente sur les deux modèles de paillassons, donnant «  une impression d’ensemble très contemporaine, sans créer un risque de confusion pour le consommateur ».

Ce risque de confusion est d’autant moins avéré que MAISONS DU MONDE a commercialisé son paillasson de 2011 à fin 2012, alors que le paillasson litigieux a été offert à la vente en mars 2016, soit plus de trois ans après. Il en résulte que le consommateur n’a pas pu garder en mémoire le paillasson de MAISONS DU MONDE, excluant dès lors tout risque de confusion ou même d’association entre les entreprises en cause.

Concernant les meubles, la Cour relève qu’ils « s’inscrivent dans un même style industriel également dénommé ‘factory’, issu notamment des meubles de métier, en vogue depuis les années 1980 […] et sur lequel la société MAISONS DU MONDE ne dispose pas de droits privatifs ».

Les mobiliers en cause n’ayant pas le même format ni le même agencement, l’impression d’ensemble pour le consommateur visé est très différente, excluant tout risque de confusion, et même tout risque d’association entre les entreprises en cause.

Il est intéressant de préciser que, pour démontrer l’existence d’un risque de confusion, MAISONS DU MONDE s’était fondée sur un sondage présentant aux consommateurs les deux modèles de paillassons et les deux modèles de meubles, côte à côte et leur demandant s’il existait une confusion possible entre les deux produits.

Il convient de rappeler que le sondage est un outil pouvant être utile en matière de concurrence déloyale ou de contrefaçon de marque pour établir, de manière objective, dans quelle mesure le public de référence est susceptible ou non de confondre les deux produits en présence, ou à tout le moins d’établir un lien entre eux ; le sondage permet également d’apporter la preuve du degré de connaissance d’une marque sur le marché concerné, et de faire ainsi valoir la notoriété ou démontrer la renommée d’une marque.

Voici les critères habituellement retenus pour que le sondage soit probant :

  • le sondage doit être réalisé par un institut indépendant et reconnu ;
  • les personnes doivent être choisies de manière représentative, parmi la classe de consommateurs concernée (sexe, âge, profession, et formation) ;
  • la méthode retenue et les circonstances dans lesquelles l’étude a été réalisée, ainsi que la liste complète des questions posées doit figurer dans le questionnaire ;
  • la manière et l’ordre dans lesquels les questions ont été posées sont très importants ; ces informations doivent également être indiquées dans le questionnaire ;
  • il convient de préciser si le pourcentage indiqué correspond au nombre total de personnes interrogées ou seulement à celles qui ont réellement répondu.

Il convient en revanche d’éviter les questions « orientées » qui faussent le résultat, excluant toute valeur probante pour le sondage.

En l’espèce, la Cour estime que la production d’un sondage présentant de façon artificielle les deux paillassons ou les deux meubles côte à côte, « alors que le consommateur ne les a pas sous les yeux en même temps, compte tenu des enseignes et des périodes de commercialisation distinctes », « n’est pas susceptible d’établir le risque de confusion fautif ».

La Cour déboute ainsi MAISONS DU MONDE de toutes ses demandes en concurrence déloyale.

Sur la concurrence parasitaire :

MAISONS DU MONDE soutient « avoir investi des sommes considérables pour concevoir des modèles exclusifs et les promouvoir, notamment par le biais de ses catalogues », de sorte que les sociétés intimées auraient commis des actes de parasitisme en tentant de capter le succès commercial des produits litigieux.

La Cour d’appel de Paris rappelle tout d’abord que « le parasitisme consiste à capter une valeur économique d’autrui individualisée, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements et à se placer ainsi dans son sillage pour tirer indûment parti des investissements consentis ou de la notoriété acquise ».

En l’espèce, la Cour relève notamment que les paillassons et les meubles ne sont présents que sur une ou deux pages des catalogues de MAISONS DU MONDE qui en comptent plus de 150, sans être particulièrement mis en avant et ne figurent pas non plus sur la page de couverture des catalogues.

En conséquence, la Cour d’appel estime que les éléments fournis par MAISONS DU MONDE « démontrent des efforts de promotion et de commercialisation nécessaires à l’activité de la société Maisons Du Monde mais ne justifient ni d’efforts créatifs individualisés sur les dits produits, ni d’un succès commercial d’ampleur ni d’une notoriété particulière pour les produits revendiqués, ni surtout d’une captation fautive par les sociétés LEROY MERLIN, BENOIT LE TAPIS BROSSE et ALSAPAN ».

La Cour d’appel rejette donc également les demandes de MAISONS DU MONDE sur le fondement de la concurrence parasitaire.