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Affaire Granini France c. EUIPO : le Tribunal de l’UE ne met pas d’eau dans son vin !

Dans son arrêt T-68/22 du 24 mai 2023, le Tribunal de l’Union européenne a apporté des précisions concernant la similitude éventuelle entre les boissons alcooliques et les boissons non alcooliques.

Rappelant que l’analyse du risque de confusion doit prendre en compte l’ensemble des facteurs pertinents, le Tribunal pose ici le principe d’une absence de présomption de non-similarité entre boissons avec et sans alcool.

La société Granini France, titulaire de la marque verbale française de jus de fruits JOKO n°4126781 désignant notamment des jus de fruits et préparations pour faire des boissons en classe 32, s’est opposée au dépôt de la marque de l’Union européenne JORO n°018136261 désignant quant à elle des boissons alcooliques dont notamment des « cocktails de fruits alcoolisés ; boissons alcoolisées contenant des fruits » en classe 33.

L’EUIPO a rejeté cette opposition considérant qu’il ne saurait y avoir de confusion entre les signes dans la mesure où le consommateur ferait nécessairement la distinction entre des boissons contenant de l’alcool et des boissons n’en contenant pas.

La société Granini France a donc demandé l’annulation de cette décision devant le Tribunal de l’Union européenne, qui a infirmé la position de l’EUIPO et a considéré quant à lui que le seul critère de la nature du produit (alcoolisé ou non) n’est pas suffisant pour justifier le rejet d’une opposition.

Il rappelle en effet que si la nature du produit est un critère d’appréciation de la similitude, il n’est pas un critère prééminent et ne doit donc pas être le seul à fonder l’analyse de l’Office lors d’une opposition.

Il est nécessaire de prendre en compte tous les facteurs pertinents, dont notamment la nature des produits, les canaux de distribution de ces derniers, leur destination ou bien encore leur éventuelle complémentarité.

Le Tribunal laisse entendre que des boissons alcoolisées et des boissons sans alcool pourraient être considérées comme similaires lors de l’analyse du risque de confusion entre deux signes. En raison de la tendance grandissante du « NOLO » (NO alcool, LOw alcool), reprenant à son compte l’univers des boissons alcoolisées et ses codes, cette décision ne sera probablement pas la dernière.

Une tendance d’ores et déjà prise en compte par la Cour d’appel de Paris dans une affaire opposant Waterlogic Sverige AB à la SAS Bienheureux, au sujet de la demande d’enregistrement de la marque THOREAU (arrêt du 27 janvier 2023). En raison de cette mouvance et des nombreuses déclinaisons d’apéritifs ou liqueurs dans des versions sans alcool, la Cour a considéré que la composition alcoolisée d’une boisson n’est plus, pour le consommateur, un moyen de distinction entre les produits.

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