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Marques vitivinicoles et noms géographiques : MODE D’EMPLOI

Actualités

Dans le secteur du vin, la mention d’un nom géographique sur l’étiquette est largement valorisée par le consommateur qui verra celui-ci comme un gage de qualité supérieure.

A ce titre, une étude réalisée par la Direction Générale de l’Agriculture de la Commission européenne en 2017 a souligné qu’en moyenne, le prix de vente d’un produit sous indication géographique, est supérieur du double à celui d’un produit sans certification. Le consommateur serait donc prêt à payer plus cher pour acheter un produit dont l’origine et la qualité sont garanties.

Les vignerons ont alors tout intérêt à mettre en valeur l’origine de leur vin sur leurs bouteille et packaging, afin d’attirer un plus grand nombre de consommateurs. Cependant, en France et au sein de l’Union européenne, la référence à l’origine géographique du produit est strictement encadrée, et ce notamment en matière de droit des marques viticoles.

En effet, il existe en France plusieurs catégories de vins :

  • - les vins bénéficiant d’une indication géographique : vins bénéficiant d’appellation d’origine contrôlée (AOC) ou d’indication géographique protégée (IGP),
  • - les vins sans indication géographique (VSIG) : ces vins correspondant aux anciens « vins de table », proviennent de cépages cultivés dans l’Union européenne et résultent du mélange de plusieurs vins.

Le dépôt d’un nom géographique à titre de marque est strictement réservé aux vins bénéficiant d’AOC et d’IGP, les vins de table ne pouvant pas faire référence à un lieu géographique, mis à part le pays dans lequel ils sont produits (exemple : « vin de France »). Cette interdiction vise à protéger le consommateur qui a tendance à associer un nom géographique à une indication géographique (IG).

Les normes protégeant les IG sont nombreuses et complexes, nous vous proposons dans cet article de revenir sur les règles à connaitre et les pièges à éviter avant de procéder au dépôt d’une marque composée d’un nom géographique.

1) Votre vin ne bénéficie pas d’une indication géographique :

Vous souhaitez déposer une marque viticole comprenant un nom géographique, cependant votre vin ne bénéficie d’aucune appellation d’origine contrôlée ou indication géographique protégée. Dans ce cas, attention, votre marge de manœuvre est très limitée.

La prohibition des marques géographiques

Les vins sans IG n’ayant pas d’origine précise et protégée, l’usage d’un nom géographique dans la marque le désignant est interdit. Il est en effet nécessaire d’éviter toute indication trompeuse pour le consommateur.
Seule la mention de l’État d’origine des vins est autorisée sur l’étiquette (Règl. (UE) n° 2019/33, 11 janv. 2019, art. 45) . La provenance doit obligatoirement figurer dans la dénomination de vente : « vin de France » ou encore « vin de la Communauté européenne ».

L’atteinte à l’indication géographique

L’usage de noms géographiques relevant des AOC et IGP pour des produits qui n’en bénéficient pas constitue une atteinte à la renommée des IG et un profit indu de la notoriété de celles-ci.

C’est pourquoi depuis l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 , l’existence d’une AOC ou d’une IGP antérieure est à la fois un motif absolu et motif relatif de refus d’enregistrement ou d’annulation d’une marque (cf. art L.711-3, 5° CPI, art L.711-2, 9° CPI).

Le refus d’enregistrer une AOC ou une IGP à titre de marque pour des produits qui n’en bénéficient pas, se justifie par l’interdiction de déceptivité de la marque : le consommateur trompé, pourrait penser que le vin provient de cette zone géographique protégée.

L’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) doit donc refuser l’enregistrement d’une marque si elle porte atteinte à une indication géographique antérieure, et toute personne autorisée à exercer son droit sur une IG peut former opposition ou agir en nullité contre la marque litigieuse.

La caractérisation de l’atteinte

La notion d’atteinte à l’indication géographique est définie de manière plus précise par le droit européen. Selon l’article 103 du Règlement UE n°1308/2013 , les IG sont protégées contre :

  • - toute utilisation commerciale directe ou indirecte
  • - toute usurpation, imitation ou évocation
  • - toute autre indication fausse ou fallacieuse
  • - toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

Le risque de confusion entre la marque et l’IG antérieure n’est d’ailleurs pas nécessaire pour caractériser l’atteinte à l’indication géographique, dès lors que les produits sont similaires à ceux bénéficiant de l’IG.

A titre d’exemple, la Cour d’appel de Bordeaux a annulé la marque trompeuse « Cru du Fort Médoc », qui désignait un vin d’AOC « Bordeaux supérieur » n’ayant pas le droit à l’appellation « Médoc » (CA Bordeaux, 10 mars 1980).

Zoom sur la notion d’évocation d’indication géographique

On constate que les AOC et les IGP bénéficient désormais d’une protection renforcée et c’est notamment le cas concernant la notion d’évocation d’indication géographique qui est interprétée de plus en plus largement par les juges.

En effet, l’évocation peut être caractérisée même en l’absence de similitude phonétique ou visuelle avec l’indication, dès lors que le consommateur est amené à avoir à l’esprit comme image de référence le produit bénéficiant de l’IG.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a d’ailleurs considéré que le simple usage de termes ou éléments figuratifs reprenant les codes d’une indication géographique, est constitutif d’une évocation d’IG :

  • - Elle a ainsi considéré que la marque de whisky allemand « Glen Buchenbach » évoquait l’IG « Scotch Whisky » en reprenant le terme « Glen » souvent utilisé dans les noms de marques de whisky écossais (CJUE, 7 juin 2018, aff C-44/17, Glen Buchebach).
  • - Elle a également élargi la notion d’évocation aux signes figuratifs présent sur l’étiquette d’un produit lorsqu’ils évoquent des éléments caractéristiques de l’appellation. En l’espèce, les étiquettes d’un fromage comportaient des éléments renvoyant à l’aire géographique de l’appellation « Queso Manchego » : en particulier un chevalier semblable à Don Quijote de La Mancha, un cheval osseux et des paysages avec moulins à vent et moutons (CJUE, 2 mai 2019, aff C-614/17, Queso Manchego).

NOS CONSEILS :

1. Si votre vin ne bénéficie d’aucune AOC ou IGP, vous ne pouvez pas faire mention d’un lieu géographique au sein de votre marque, même s’il s’agit effectivement du lieu de production de votre vin.

2. Evitez toute évocation d’une IG en choisissant une dénomination phonétiquement ou visuellement similaire ou en utilisant un terme ou un élément figuratif reprenant les codes d’une IG.

3. Faites également attention au choix de votre étiquetage et packaging : veillez à ne pas utiliser de noms géographiques, ni d’éléments figuratifs évoquant une IG.

4. Vous pouvez cependant choisir à titre de marque, toute dénomination fantaisiste tel qu’un terme distinctif (nom de famille), un logo, un dessin, sous réserve de leur disponibilité.

2) Votre vin bénéficie d’une indication géographique :

Votre vin bénéficie d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication géographique protégée et vous souhaitez déposer une marque viticole reprenant ce nom.

• Interdiction d’appropriation de l’indication géographique

Les AOC et IGP ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation privative, il est donc en principe impossible de les déposer à titre de marque.

Les tribunaux ont rappelé ce principe même lorsqu’une seule exploitation bénéficie de l’appellation, c’est l’exemple de l’appellation « Romanée-Conti » dont le Domaine de la Romanée-Conti est le seul exploitant du prestigieux cru. La Cour d’appel de Paris a ainsi annulé les marques « Romanée-Conti appellation Romanée-Conti » et « Domaine de la Romanée-Conti » affirmant qu’une AOC sur laquelle s’exerce un droit collectif, n’est pas appropriable par une seule personne (CA Paris, 28 novembre 1985).

• L’exception de la marque complexe

Il existe cependant une exception puisqu’il est possible d’enregistrer une indication géographique au sein d’une marque « complexe ». C’est-à-dire que l’IG est accompagnée d’un ou de plusieurs éléments distinctifs au sein de la marque.

Les éléments distinctifs, sont autant d’éléments arbitraires qui permettent au consommateur d’identifier et de distinguer votre marque de l’indication géographique. Ils sont nombreux, sous réserve de leur disponibilité :

  • - Un patronyme
  • - Un prénom : lorsque votre patronyme est relativement commun, il est recommandé de l’accompagner d’un prénom, ce qui accentuera la distinctivité de la marque.
  • - Le nom d’une exploitation : à condition que votre vin soit produit exclusivement à partir de raisins récoltés dans les vignobles exploités par cette exploitation, et que la vinification soit entièrement effectuée dans cette même exploitation.
  • - Un nom commun : il doit être totalement arbitraire, c’est-à-dire qu’il ne présente pas de lien avec le vin concerné.
  • - Un acronyme
  • - Un logo
  • - Un signe figuratif fantaisie : telles que des armoiries, une illustration…
  • - Des inscriptions stylisées : la police du texte peut également être prise en compte.
  • - Un terme inventé
  • - Une couleur, etc.

Plus votre marque sera originale et distinctive aux yeux du consommateur, moins il y aura de risque de confusion et d’appropriation de l’indication géographique. Les juges reconnaissent à ce titre qu’une marque mentionnant une IG parmi d’autres éléments suffisamment distinctifs est licite. C’est le cas par exemple pour la marque figurative complexe mentionnant « Champagne Dom Pérignon » (CA Paris, 17 sept. 2008) :

La mention de l’unité géographique plus petite ou plus grande

Les règles d’étiquetage des vins bénéficiant d’une IG prévoient la possibilité de mentionner sur l’étiquette le nom d’une zone géographique plus petite ou plus grande que la zone qui est à la base de l’appellation d’origine ou de l’indication géographique (art 5, décret n° 2012-655 du 4 mai 2012) .
Cette mention est possible si et seulement si :

  • - Elle est prévue dans le cahier des charges de l’AOC ou de l’IGP,
  • - Pour l’unité plus petite : tous les raisins à partir desquels ces vins ont été obtenus doivent provenir de cette unité.

Dès lors, le vigneron peut enregistrer à titre de marque le nom d’une dénomination plus petite, comme par exemple un clos ou un climat en Bourgogne, ou une unité plus grande, telle qu’une région.

A titre d’illustration, l’usage de la marque « Sud de France » pour désigner des vins du Languedoc-Roussillon est considéré par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) comme non conforme à la réglementation européenne sur l’étiquetage des vins. En effet, la possibilité de mentionner cette unité géographique plus grande n’est mentionnée dans aucun cahiers des charges des IG régionales.

• Le libellé du dépôt de marque

Pour être susceptible d’enregistrement, la marque doit impérativement désigner des vins bénéficiant de ladite appellation et le libellé du dépôt doit se limiter à ces produits. En matière de vins, le libellé de la classe 33 devra préciser la conformité à l’indication géographique. Par exemple pour l’AOC Champagne : « vins conformes à la définition et aux conditions d’utilisation de l’appellation d’origine contrôlée « Champagne » ».

NOS CONSEILS :

1) Si vous souhaitez enregistrer une IG à titre de marque, vous devez impérativement y adjoindre des éléments distinctifs comme votre nom, votre prénom, le nom de votre exploitation, ou encore votre logo. Plus votre marque sera originale, plus le consommateur pourra la distinguer de l’indication géographique !

2) Vous pouvez mentionner au sein de votre marque une unité géographique plus petite ou plus grande que la zone qui est à la base de l’AOC ou de l’IGP, à condition que cette possibilité soit prévue par le cahier des charges.

3) Le libellé de votre marque doit désigner uniquement les produits bénéficiant de l’appellation d’origine ou de l’indication géographique.

Le cabinet CASALONGA est spécialisé dans la valorisation et la défense des marques vitivinicoles. Nous assistons nos clients notamment sur les questions de contrefaçon, de concurrence déloyale, d’étiquetage des vins et de conformité à la loi Evin.

Pour toute question, n’hésitez pas à contacter notre équipe !

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