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Protection des logiciels par les brevets en France

Un brevet peut-il protéger un logiciel ?

Dans les textes, le logiciel est défini comme un « Ensemble de programmes, procédés et règles, et éventuellement de la documentation, relatifs au fonctionnement d’un ensemble de traitements de données » (Arrêté ministériel du 22 décembre 1981 relatif à l’enrichissement du vocabulaire informatique).

Indépendamment de l’écriture d’un programme qui est protégée par le droit d’auteur (sur la protection des logiciels par le droit d’auteur en France, voir ici), un logiciel peut, dans certains cas, bénéficier d’une protection par brevet d’invention.

Si, en effet, la loi exclut les “programmes d’ordinateur” de la protection par brevet, cela ne s’applique que s’ils sont considérés “en tant que tels”.
Il est donc possible d’admettre la protection par brevet pour des inventions incluant une partie logicielle.
D’une manière plus précise, un brevet peut protéger une “invention mise en œuvre par ordinateur”, ce qui revient à protéger indirectement le logiciel concerné.


Conditions de brevetabilité

  • 1. Caractère technique

La première condition pour qu’une “invention mise en œuvre par ordinateur” puisse être protégée par un brevet est que l’invention présente un “caractère technique”.

A cet effet, certaines décisions de jurisprudence exigent l’existence d’un effet technique allant au-delà de la simple utilisation d’un ordinateur de type classique ou d’un réseau Internet.
Pour d’autres décisions, il y a invention technique au sens de la loi sur les brevets, c’est-à-dire une solution technique apportée à un problème technique, dès lors qu’un moyen technique est utilisé lors de la mise en œuvre de l’invention, qu’il s’agisse d’un ordinateur ou d’un réseau tel qu’internet.
Cela semble aller dans le sens d’un plus grand libéralisme en matière de brevetabilité du logiciel. Toutefois, l’invention doit encore satisfaire d’autres conditions pour pouvoir être protégée par un brevet.

  • 2. Nouveauté et activité inventive

Les autres conditions sont la nouveauté et l’activité inventive :
Ces conditions existent pour toute invention, quel que soit le domaine technique.
Toutefois, en matière de logiciel, c’est-à-dire d’“inventions mises en œuvre par ordinateur”, on se trouve généralement en face d’une partie technique et d’une partie non-technique, laquelle consiste en un pur logiciel ou un algorithme.
C’est dans une combinaison effective de la partie technique et de la partie non-technique que doivent résider la nouveauté d’une part et l’activité inventive d’autre part, c’est-à-dire la non-évidence pour l’homme du métier.
La partie technique de l’invention ne doit pas se limiter à donner à un ordinateur des instructions pour appliquer des conditions spécifiques. La caractéristique originale de l’invention, qui est liée à l’utilisation d’un ordinateur, ne doit pas constituer seulement une mesure de programmation de routine à la portée de l’homme du métier.
La partie non-technique, c’est-à-dire le logiciel, doit participer à l’aspect technique global de l’invention. Si ce n’est pas le cas, cette partie non-technique n’est pas prise en compte pour l’appréciation de l’activité inventive, ce qui entraine généralement la non-brevetabilité de l’invention.


Exemples pratiques

Si les conditions de brevetabilité sont remplies, un brevet peut être obtenu pour :

  • - un procédé industriel comportant des étapes pilotées par un programme d’ordinateur ;
  • - une machine présentant certaines caractéristiques techniques et pilotée par un programme d’ordinateur ;
  • - un dispositif de commande d’un ordinateur par logiciel, produisant un effet technique particulier (par exemple entrainant une extension de la mémoire virtuelle) ;
  • - un programme d’ordinateur comportant des instructions de code enregistrées sur un support lisible par un ordinateur et comprenant des moyens de programmation aptes à mettre en œuvre différentes étapes qui produisent un effet technique spécifique, lorsque le programme pilote un ordinateur.

Dans une affaire Bull c/ INPI (arrêt de la Cour d’appel de Paris du 22 novembre 2019, confirmé par la Cour de cassation le 11 janvier 2023 (Cass. Com., 11 janv. 2023, pourvoi n° 20-10.935)), il a été décidé que constituait une invention technique brevetable, un procédé informatique utilisant un terminal pour des opérations militaires en vue de la communication au sein d’un groupe d’opérateurs distants. L’invention permettait en effet à un pilote d’avion militaire de visualiser globalement l’ensemble d’une situation, ce qui n’était pas possible auparavant.
La Cour a pris le contrepied de l’INPI en décidant qu’une telle invention présentait bien un caractère technique et était donc susceptible d’être protégée par brevet.