1001e décision rendue par la JUB – Décision de la division locale de Paris sur la contrefaçon de puces LED UVC (24 avril 2025, UPC_CFI_440/2023)
La division locale de Paris de la JUB a rendu le 24 avril dernier une 1 001e décision particulièrement intéressante sur la contrefaçon de puces LED UVC.
Le litige opposait la société sud-coréenne Seoul Viosys Co., Ltd. , titulaire du brevet, au distributeur français Laser Components SAS et à son fournisseur, la société coréenne Photon Wave.
Considérant que les puces LED UVC commercialisées en France par la société Laser Components reproduisaient les caractéristiques des revendications de son brevet EP 3 404 726 intitulé « Dispositif d’émission de lumière ultraviolette » délivré le 4 novembre 2020, la société Seoul Viosys l’a assignée le 5 décembre 2023 (ACT_588685/2023) devant la division locale de Paris. La société Laser Components a alors sollicité l’intervention de son fabricant qui a accepté d’intervenir à la procédure et a formé une demande reconventionnelle en révocation du brevet, en même temps qu’une action séparée aux mêmes fins initiée devant la division centrale de Paris qui a transféré la demande à la division locale de Paris qui a déclaré cette demande inadmissible par ordonnance séparée du 24 janvier 2025.
Au cœur du débat figuraient les caractéristiques de la revendication 1 dont certains termes étaient contestés entre les parties pour l’interprétation de l’objet revendiqué.
Pour interpréter ces termes, la division locale de Paris a rappelé les principes d’interprétation prévus par l’article 69 de la CBE de même que les normes d’interprétation des brevets établies par la Cour d’appel de la JUB dans les deux ordonnances UPC_CoA_335/2023 et UPC_CoA_1/2024, à savoir :
1) La revendication du brevet n’est pas seulement le point de départ, mais le fondement pour déterminer l’étendue de la protection du brevet européen.
2) L’interprétation d’une revendication de brevet ne dépend pas uniquement du sens strict et littéral des termes utilisés. Au contraire, la description et les dessins doivent toujours être utilisés pour aider à l’interprétation de la revendication de brevet et pas seulement pour résoudre les ambiguïtés de la revendication du brevet.
3) Cependant, cela ne signifie pas que la revendication du brevet sert uniquement comme ligne directrice et que son objet peut s’étendre à ce que, en tenant compte de la description et des dessins, le titulaire du brevet avait envisagé.
4) La revendication de brevet doit être interprétée du point de vue de l’homme du métier.
5) En appliquant ces principes, l’objectif est de combiner une protection adéquate pour le titulaire du brevet et une sécurité juridique suffisante pour les tiers
S’agissant de l’appréciation de la contrefaçon, la société Seoul Viosys s’appuyait sur des analyses internes et une expertise privée réalisée à sa demande par un laboratoire indépendant qui était contestée en défense.
La division locale de Paris a relevé que :
- - aucun élément du dossier ne permettait de douter du fait que le laboratoire en question était indépendant,
- - la méthodologie utilisée par le laboratoire était explicitée dans le rapport,
- - les questions posées par le requérant apparaissaient suffisamment objectives pour ne pas avoir influencé le résultat des tests,
et jugé que le rapport privé, accompagné de sa méthodologie et des données brutes, présentait une force probante suffisante conformément à la règle 170b du Règlement de procédure.
Elle a ensuite procédé à l’analyse technique de la contrefaçon et a conclu à la reproduction intégrale des revendications 1, 2, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13 et 18.
S’agissant des actes de contrefaçon directe, la division locale de Paris a rappelé que l’article 25 AJUB ne prévoit pas la nécessité de prouver que le défendeur ait été préalablement mis en connaissance de l’existence du brevet et de la matérialité de la contrefaçon reprochée.
Concernant la territorialité des actes de contrefaçon reprochés, la division locale de Paris a expliqué que faute de preuve d’actes de vente dans d’autres Etats contractants à l’AJUB (notamment en Allemagne, aux Pays-Bas) ou au Royaume-Uni (puisque conformément à la décision de la CJUE C6339/22 du 25 février 2025, les actes de contrefaçon commis sur le territoire d’un Etat tiers à l’UE sur lequel le brevet en cause est en vigueur peuvent être poursuivis devant la JUB), les mesures et interdictions demandées seront limitées au seul territoire français.
La division locale de Paris a en conséquence ordonné à l’encontre de la société Laser Components :
- - une mesure d’interdiction permanente sous astreinte en application de l’article 63 AJUB,
- - le rappel des produits des circuits commerciaux et de destruction des stocks sous astreinte et sous contrôle d’un commissaire de justice, en application de l’article 64 AJUB,
- - la communication d’informations sous astreinte une astreinte assez importante de 1000 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours, en application de l’article 67 AJUB.
Il convient de relever que ces mesures sont particulièrement larges car elles ne visent pas des produits identifiés précisément (par exemple par leurs références) mais tous les produits qui comprendraient les caractéristiques des revendications du brevet opposé.
La division locale de Paris a enfin rejeté la demande de provision formée sur le fondement de l’article 68 AJUB, faute pour le demandeur d’avoir produit le moindre élément pour justifier le montant sollicité, mais a ordonné une provision de 50.000 euros pour frais de procédure, conformément aux dispositions de l’article 69 AJUB.
Cette 1 001e décision de la JUB confirme :
- - les principes d’interprétation du brevet en application des dispositions de l’article 69 de la CBE,
- - la valeur probante qu’une expertise privée peut revêtir lorsque sa méthodologie est suffisamment explicitée et accompagnée de données brutes,
- - l’importance, pour le demandeur, d’établir la territorialité des actes reprochés pour chaque pays visé,
- - la prise en considération du principe de proportionnalité dans le prononcé des condamnations, et en particulier dans la fixation des astreintes en relation avec la valeur réelle des produits (ici quelques euros par LED).
Plus d’informations sur www.upc-casalonga.eu.