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Nouvelle procédure d’opposition devant l’INPI : 1re décision publiée

Depuis le 1er avril 2020, en application de la loi PACTE, il est possible de former une opposition devant l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) à l’encontre d’un brevet français pour demander sa révocation totale ou partielle.

Cette procédure d’opposition est limitée aux brevets français dont la mention de délivrance est publiée à compter de cette date. Il n’est donc pas possible d’utiliser la procédure d’opposition devant l’INPI à l’encontre de la partie française d’un brevet européen.

Comme à l’Office européen des brevets (OEB), le délai pour former opposition est de 9 mois à compter de la mention de délivrance du brevet français contesté. Toute personne, à l’exception du titulaire, peut faire opposition, sans condition d’intérêt à agir.

Vu les directives publiées par l’INPI concernant la procédure d’opposition et les différentes présentations faites par l’INPI, il semblait assez probable que les décisions rendues par l’INPI dans le cadre de cette nouvelle procédure seraient proches de celles de l’OEB.

Alors que la première décision d’opposition de l’INPI a été rendue, qu’en est-il ?

L’INPI a rendu sa première décision d’opposition le 23 mai 2022 (pour consulter la décision, voir sous ce lien).

Aux termes de cette décision, l’INPI a décidé de maintenir le brevet FR 3 080 795 B1 opposé sous une forme modifiée.

Cette première décision de l’INPI et le procès-verbal de la procédure orale sont extrêmement détaillés.

Il est particulièrement intéressant de noter l’approche de l’INPI dans les motifs de la décision qui est, comme nous nous y attendions, similaire à celle de l’OEB, avec une analyse successive de chaque motif d’opposition soulevé et de chaque document antérieur opposé.

Lors de cette analyse, l’INPI détaille les principaux arguments soulevés par l’opposant et ceux du titulaire avant de donner sa position.

Pour chaque motif d’opposition, l’INPI mentionne également les bases légales applicables, et fait même référence, en ce qui concerne l’examen de la nouveauté, à la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris.

Sur l’examen de la nouveauté, le raisonnement est extrêmement rigoureux, l’INPI commençant par interpréter certains termes de la revendication 1 du brevet opposé, avant de procéder à l’analyse, caractéristique par caractéristique, de la revendication 1 par rapport aux différents documents opposés.

En ce qui concerne l’examen de l’activité inventive, le raisonnement de l’INPI est strictement similaire à celui de l’OEB, avec l’application de l’approche problème-solution comportant les étapes de :

  • définition de l’homme du métier
  • détermination de l’état de la technique le plus proche (celui visant à atteindre le même objectif que l’objet du brevet opposé)
  • définition du problème technique objectif à résoudre au vu des caractéristiques distinctives de la revendication 1 du brevet opposé et de l’effet associé
  • examen de l’évidence ou non pour l’homme du métier de l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche.

Sur l’examen de l’activité inventive, il est intéressant de noter que, après avoir détaillé son appréciation sur la base de l’approche problème-solution, l’INPI indique qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur les autres combinaisons de documents effectuées par l’opposant.

Là encore, la position de l’INPI est similaire à celle adoptée par l’OEB qui considère généralement que, dans le cadre d’une procédure d’opposition, l’approche problème-solution ne doit pas être utilisée pour formuler plusieurs objections basées sur différents états de la technique le plus proche dans l’espoir que l’une d’entre elles aboutisse.

L’analyse de la première décision de l’INPI offre aussi un éclairage sur le traitement des requêtes auxiliaires déposées tardivement par le titulaire du brevet.

En l’espèce, le titulaire du brevet opposé avait déposé de nouvelles requêtes auxiliaires seulement six jours avant la tenue de la procédure orale (donc après la date de clôture de la phase écrite).

L’INPI a décidé d’admettre ces nouvelles requêtes auxiliaires tardives étant donné qu’elles tendaient à répondre directement aux dernières objections de l’opposant, et qu’elles avaient pu être discutées lors de la procédure orale et donc soumises au principe du contradictoire.

Il convient de relever que le titulaire du brevet opposé avait eu l’opportunité pendant la phase écrite de répondre aux dernières objections de l’opposant qui sont mentionnées par l’INPI et aurait donc pu déposer ses nouvelles requêtes auxiliaires durant cette phase écrite.

Même si l’INPI ne cite pas de base légale sur ce point précis, on peut supposer qu’il s’est basé sur l’article R. 613-44-7 CPI qui fait référence uniquement au principe du débat contradictoire pour pouvoir admettre les requêtes tardives.

Au vu de cette première décision de l’INPI, le dépôt tardif de requêtes auxiliaires semble donc pouvoir être admis sur la base du seul respect du contradictoire, ce qui sera forcément le cas lors d’une procédure orale.

Si cette position venait à se confirmer dans les prochaines décisions d’opposition de l’INPI, l’INPI aurait une pratique plus souple que l’OEB sur ce point.

En conclusion, l’analyse de cette première décision fait apparaitre que l’INPI s’est très bien préparé à cette nouvelle procédure d’opposition sur la base de la pratique de l’OEB.

Vu le niveau de détail discuté et la qualité de la rédaction, l’INPI a très certainement apporté un soin particulier à cette première décision, pour apporter la preuve de son professionnalisme sur cette nouvelle procédure.

Cette première décision est en effet du même niveau que celles rendues dans les procédures d’opposition devant l’OEB, ce qui peut rassurer, si besoin en était, les industriels souhaitant contester devant l’INPI la validité d’un brevet français.

Cette décision de l’INPI peut maintenant faire l’objet d’un recours. Contrairement aux recours contre les décisions de l’OEB, qui sont traitées par les chambres de recours de l’OEB, les recours contre les décisions de l’INPI ne seront pas traités par une instance ou commission de l’INPI mais portés devant la Cour d’appel de Paris, ce qui nécessite de constituer un avocat.

Nous restons à votre disposition pour vous donner toute information complémentaire sur la procédure d’opposition devant l’INPI, et pour vous représenter durant cette procédure, tant devant l’INPI qu’en cas de recours devant la Cour d’appel, notre Cabinet associant des Conseils en Propriété Industrielle et des avocats spécialisés en propriété industrielle.