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1er avril 2020 : Introduction d’une procédure d’opposition en matière de brevets français

Tout tiers peut désormais déclencher auprès de l’INPI, une opposition à l’encontre d’un brevet délivré à compter du 1er avril 2020, et ce, dans un délai maximum de 9 mois à compter de la publication de la délivrance.

Ce n’était pas un poisson d’avril !

Principales caractéristiques de l’opposition

1. Les motifs d’opposition qui peuvent être invoqués sont :

  • * L’invention revendiquée est insuffisamment décrite
    * L’objet du brevet s’étend au delà du contenu de la demande initiale
    * L’invention n’est pas brevetable (pas d’effet technique, pas de nouveauté, invention évidente pour un homme du métier).

2. Le breveté n’est pas autorisé à former une opposition à l’encontre de son propre brevet (pas d’auto opposition).

3. L’examinateur de l’INPI qui était chargé de la procédure de délivrance du brevet ne peut participer directement à la procédure d’opposition, mais peut seulement être, le cas échéant, entendu au cours de la procédure. (il s’agit là d’une importante différence par rapport à la procédure d’opposition du brevet européen devant l’OEB).

4. La procédure d’opposition est suspendue :

  • * Si une action en nullité est engagée à l’encontre du brevet devant une juridiction
    * Si l’INPI souhaite obtenir des informations complémentaires
    * Si les deux parties le demandent (pour une durée maximale de 12 mois).

5. A l’issue de la procédure, l’INPI décide :

  • * Soit de révoquer totalement ou partiellement le brevet
    * Soit de maintenir le brevet sous une forme modifiée
    * Soit de rejeter l’opposition.

6. La décision de l’INPI peut être contestée, mais uniquement devant la Cour d’appel de Paris puis éventuellement devant la Cour de cassation (aucune instance administrative n’a été créée au sein de l’INPI pour contester les décisions émises à l’issue d’une procédure d’opposition, contrairement à ce qui est le cas à l’OEB pour les brevets européens).

La procédure d’opposition

La procédure d’opposition comporte quatre phases :

1. Une phase d’information au cours de laquelle l’INPI reçoit le mémoire d’opposition et, dans un délai qui lui a été imparti, la réponse du titulaire du brevet, éventuellement accompagnée de revendications modifiées.

2. Une phase d’instruction au cours de laquelle l’INPI émet un avis d’instruction qui est communiqué aux parties et qui fournit une opinion préliminaire. Cet avis d’instruction est émis dans un délai maximal de trois mois à compter de l’expiration du délai imparti au breveté pour déposer sa réponse au mémoire d’opposition. Après réception de l’avis d’instruction, les parties ont la possibilité de présenter par écrit des observations, avec éventuellement des revendications modifiées de la part du breveté.

3. Une phase écrite au cours de laquelle les parties peuvent à nouveau présenter par écrit des observations, avec éventuellement des revendications modifiées de la part du breveté. (chaque partie a donc en tout au moins trois opportunités de dépôt d’observations écrites).

4. Une phase orale optionnelle qui peut être requise par l’une des parties ou être déclenchée par l’INPI et au cours de laquelle les parties peuvent présenter leurs arguments oralement.

L’INPI émet une décision dans un délai maximal de quatre mois après la fin de la phase orale.

Conclusion et stratégies de protection en France

L’opposition au brevet délivré, si elle peut ouvrir aux tiers une alternative à l’action en nullité, représente pour le breveté, un risque à la fois juridique de perte de droit et financier, en raison du coût de la procédure.

Il est donc opportun d’examiner avec soin la meilleure manière de protéger une invention en France.

Trois possibilités de protection sont ouvertes en France, à savoir le certificat d’utilité français, le brevet français et le brevet européen.

Celui qui entend limiter la protection de son invention au territoire français peut maintenant préférer le certificat d’utilité dont la durée maximale de dix ans est souvent suffisante en pratique. Cela lui permet d’éviter les frais non négligeables de la procédure de délivrance d’un brevet, laquelle comportera dès juillet 2020 un examen de brevetabilité complet entraînant, là aussi, des coûts augmentés et le risque de devoir défendre son brevet au cours d’une procédure d’opposition.

Un tel choix évite en outre les risques supplémentaires de procédure judiciaire en appel des décisions de l’INPI.

Si l’invention doit être protégée non seulement en France mais également dans divers pays européens ou même dans d’autres pays en dehors de l’Europe comme les USA, la Chine ou le Japon, ce qui entraîne des frais importants, il est opportun de connaître l’état de la technique antérieure afin d’apprécier les chances d’obtenir un brevet dans les différents pays souhaités.

Pour ce faire, le plus efficace et le moins onéreux est encore de déposer une première demande de brevet français auprès de l’INPI, ce qui permet d’obtenir, moyennant un coût réduit, un rapport de recherche, en réalité établi sur la base d’une recherche effectuée par L’Office Européen des Brevets (OEB).

L’étude de ce rapport de recherche, obtenu dans un délai de 9 à 10 mois, permet d’apprécier la nouveauté et l’activité inventive de l’invention et donc les chances d’obtenir un brevet dans les pays pratiquant un examen de brevetabilité.

S’il s’avère que la brevetabilité est douteuse, il reste possible de se contenter d’une protection en France. Si les frais doivent être limités au maximum, il suffit alors de transformer la demande de brevet initiale en demande de certificat d’utilité pour éviter les frais de la procédure de délivrance du brevet et ceux d’une éventuelle procédure d’opposition ultérieure.

Si au contraire les perspectives d’obtenir des brevets valables semblent bonnes, il est possible de déposer une demande de brevet européen ainsi que des demandes de brevet dans d’autres pays, soit directement, soit par le biais d’une demande internationale de brevet, en revendiquant la priorité du premier dépôt français.

Si l’on est confiant d’obtenir à terme la délivrance d’un brevet européen qui couvrira automatiquement la France, il est possible, là encore, de réduire les coûts en transformant la demande de brevet français initiale en une demande de certificat d’utilité.

La protection de l’invention en France sera assurée par le certificat d’utilité pendant dix ans et par le brevet européen après sa délivrance.

Les frais d’examen et d’opposition éventuelle ne seront ainsi pas dupliqués. Seuls le seront les frais de maintien en vigueur par le paiement des annuités pour le certificat d’utilité et pour le brevet européen après sa délivrance.

De plus, si la demande de brevet européen devait être rejetée ou fortement limitée, le certificat d’utilité pourrait constituer une alternative de protection sur le territoire français.

Une économie encore plus importante peut être obtenue en retirant la demande de brevet français après en avoir revendiqué la priorité. Dans ce cas cependant il faut accepter le risque d’un rejet de la demande de brevet européen entraînant une absence complète de protection en France.