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G 2/21 - Plausibilité

La Grande Chambre de recours de l’Office européen des brevets a dernièrement été saisie par la Chambre Technique 3.3.02 (T 116/18) afin de déterminer si les éléments de preuve publiés après la date de dépôt, comme par exemple des rapports d’essais comparatifs, peuvent être pris en compte pour l’examen de l’activité inventive lorsque la preuve de l’effet repose exclusivement sur ces éléments déposés postérieurement au dépôt.

Autrement dit, la question est posée de savoir si une exception au principe de libre appréciation des preuves (reconnu par G3/97 et G1/12) peut être acceptée dans le sens qu’une preuve publiée après le dépôt ne doit pas être prise en considération au motif que la preuve de l’effet repose exclusivement sur cette preuve publiée après le dépôt.

Dans le domaine de la chimie, il est monnaie courante de déposer, en soutien de l’approche problème-solution développée par le Demandeur, des rapports expérimentaux postérieurs basés sur l’état de la technique le plus proche. Toutefois, la démonstration postérieure de l’existence d’un effet technique pose la question de la plausibilité de cet effet technique au moment du dépôt de la demande de brevet.

A ce jour, il y a 3 grandes lignes de jurisprudence sur le sujet de la prise en compte de preuves publiées ultérieurement :
1) Plausibilité ab initio : la prise en compte des preuves ultérieures nécessite que l’homme du métier ait des raisons de considérer que l’effet est atteint, sur la base de la demande telle que déposée ou de ses connaissances générales à la date du dépôt, par exemple grâce à des explications scientifiques ou des données expérimentales (T1329/04, T609/02, T488/16).
2) Non plausibilité ab initio : les preuves ultérieures ne peuvent être écartées que si l’homme du métier avait des raisons légitimes de douter que l’effet technique pouvait être obtenu à la date de dépôt (T919/15, T578/06, T2015/20).
3) Non plausibilité : cette 3e ligne rejette le concept de plausibilité au motif que ne pas tenir compte de preuves ultérieures serait incompatible avec l’approche problème-solution, qui parfois impose de reformuler le problème technique à la lumière de documents qui ne sont pas cités dans le brevet (T2371/13).

Il est donc demandé à la Grande Chambre de recours de décider si une preuve publiée après le dépôt peut être rejetée au motif que l’effet technique allégué repose exclusivement sur elle, contrevenant en cela au principe de libre appréciation des preuves, et, dans l’affirmative, si c’est le concept de plausibilité ab initio ou bien de non plausibilité ab initio qui doit être appliqué.

La décision de la Grande Chambre de recours risque donc potentiellement d’induire de grandes difficultés en matière d’activité inventive pour les Demandeurs de brevets européens, et tout particulièrement dans le domaine de la chimie.

En conséquence, le Président de l’OEB a décidé, avec effet immédiat, que toutes les procédures d’examen et d’opposition devant l’OEB dont l’issue dépend entièrement de la décision de la Grande Chambre de Recours, seront suspendues d’office.

CASALONGA ne manquera pas de vous tenir informés de la suite donnée à cette saisine G 2/21.