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Décision de la Cour d’appel de la JUB sur sa compétence temporelle étendue aux faits antérieurs à l’entrée en vigueur de l’AJUB (2 juin 2025, APL_8790/2025, UPC_CoA_156/2025)

La Cour d’appel de la Juridiction unifiée du brevet (JUB) s’est prononcée, le 2 juin 2025, sur la question de sa compétence ratione temporis en matière d’action en contrefaçon.

Le litige opposait Esko Graphics Imaging GmbH, titulaire du brevet européen EP 3 742 231, à la société XSYS, poursuivie en contrefaçon pour des actes d’exploitation antérieurs et postérieurs au 1er juin 2023 (date d’entrée en vigueur de l’AJUB), ainsi que pour des actes survenus pendant la période où le brevet avait été temporairement exclu du champ de compétence de la JUB en vertu d’un opt-out ultérieurement retirée.

XSYS avait soulevé, devant la chambre locale de Munich, une exception d’incompétence fondée sur la règle 19.1(a) du Règlement de procédure, soutenant que, selon l’Art. 32 (1) et (f) de l’AJUB, la JUB ne pouvait connaître ni des actes de contrefaçon antérieurs au 1er juin 2023, ni de ceux commis pendant la période de l’opt-out, en invoquant notamment le principe de non-rétroactivité des traités (article 28 de la Convention de Vienne sur le droit des traités).

La Cour d’appel a rejeté cette exception et confirmé la compétence de la JUB, reconnue en première instance par la division locale de Munich, y compris pour des actes antérieurs à l’entrée en vigueur de l’Accord, dès lors que l’action en justice avait été introduite après cette date. Les principaux apports de sa décision sont :

  • - Sur l’interprétation autonome de l’AJUB : ni l’article 32(1) ni l’article 3 de l’AJUB ne limitent dans le temps la compétence exclusive de la JUB. Ces articles doivent être interprétés à la lumière de l’objectif de l’Accord, visant à instaurer un système juridictionnel unifié, cohérent et exclusif en matière de brevets européens.
  • - Sur la période transitoire de l’article 83 de l’AJUB : la compétence exclusive de la JUB coexiste avec la compétence concurrente des juridictions nationales, les titulaires de brevets ayant la possibilité, sous certaines conditions, d’exclure leur brevet de la compétence de la JUB par une déclaration d’opt-out qu’ils peuvent retirer à tout moment. Cette compétence concurrente s’applique également aux actes de contrefaçon survenus avant l’entrée en vigueur de l’Accord, dès lors que l’action est introduite durant la période transitoire et que le brevet n’a pas été valablement exclu.
  • - Sur la distinction entre la compétence et le droit applicable : la compétence de la JUB s’apprécie indépendamment de la question du droit matériel applicable, laquelle relève d’un examen distinct et ultérieur, sans impact sur la recevabilité de l’action au stade de l’exception d’incompétence.
  • - Sur le principe de non-rétroactivité des traités : la compétence de la JUB pour connaître d’actes de contrefaçon antérieurs à l’entrée en vigueur de l’AJUB ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité des traités, issu du droit international coutumier et de l’article 28 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, dès lors que l’action est introduite postérieurement à son entrée en vigueur.
  • - Sur le retrait de l’opt-out : le retrait d’une déclaration d’opt-out, conformément à l’article 83(4) de l’AJUB, remet intégralement le brevet sous la compétence exclusive de la JUB dès son enregistrement, sans possibilité de retrait partiel, sous réserve de la compétence concurrente des juridictions nationales durant la période transitoire.

Enfin, la Cour a refusé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel, considérant que même une interprétation stricte du droit international coutumier (et des articles 28 et 31 de la Convention de Vienne) ne faisait pas obstacle à l’interprétation retenue.

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