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L’action en contrefaçon en France : Brevet français ou européen, certificat d’utilité, certificat complémentaire de protection

La contrefaçon d’un brevet, d’un certificat d’utilité ou d’un certificat complémentaire de protection, est jugée en France par le tribunal de grande instance de Paris qui décide simultanément de la validité des droits.

Actualités

LA CONTREFAÇON EN FRANCE

L’importation, la fabrication de produits protégés, en France, de même que l’offre de ces produits , la mise dans le commerce, l’exportation ou l’utilisation de tels produits en France, sont constitutives de contrefaçon directe.

Il en est de même pour l’utilisation d’un procédé protégé, ainsi que pour l’offre, à des tiers et en connaissance de cause, d’un procédé protégé. De plus, l’offre, la mise dans le commerce et l’importation, en France, d’un produit fabriqué à l’étranger selon un procédé protégé , sont aussi constitutives de contrefaçon.

Est également une contrefaçon indirecte, la livraison ou l’offre de livraison, en France, à des tiers non autorisés, de moyens en vue de réaliser ou obtenir l’invention protégée, lorsque ces moyens spécifiques se rapportent à un élément essentiel de l’invention et qu’il est évident qu’ils permettent de réaliser ou obtenir l’invention.

Mais, dans ce cas, la preuve de la connaissance de l’acte délictuel doit être rapportée.

Le présumé contrefacteur qui importe ou fabrique en France le produit argué de contrefaçon, peut être poursuivi sans mise en garde préalable. Il en est de même en cas de fabrication en France selon un procédé argué de contrefaçon, ou encore d’importation en France de produits fabriqués à l’étranger selon un procédé argué de contrefaçon.

Au contraire, il est nécessaire d’informer de l’existence du droit au préalable par une lettre de mise en garde, le présumé contrefacteur qui ne fait que vendre, utiliser ou mettre sur le marché les produits argués de contrefaçon, ou qui fournit les moyens permettant la fabrication de tels produits. Ce n’est qu’à partir de la réception de cette mise en garde que la poursuite de ces actes pourra être qualifiée de contrefaçon.

LA CONTREFAÇON D’UNE DEMANDE OU D’UN TITRE DÉLIVRÉ

L’action en contrefaçon de brevet, de certificat d’utilité ou de certificat complémentaire de protection doit être engagée dans un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant d’exercer l’action.

L’action en contrefaçon peut être engagée en France sur la base d’une demande de brevet ou de certificat d’utilité non encore délivrée mais déjà publiée. S’il s’agit d’une demande de brevet français ou de certificat d’utilité non encore publiée, une action en contrefaçon peut également être engagée à condition qu’une copie certifiée de la demande soit envoyée au présumé contrefacteur dont seule la poursuite des activités peut être qualifiée de contrefaçon.

S’il s’agit d’une demande de brevet européen désignant la France mais rédigée en une langue étrangère, l’action ne pourra être engagée qu’après la publication de la demande de brevet européen et de la traduction des revendications, en français.
S’il s’agit d’un brevet européen délivré désignant la France rédigé en une langue étrangère, une traduction complète du titre, en français, devra être produite au cours de la procédure devant le tribunal.

LA PREUVE DE LA CONTREFAÇON - LA SAISIE-CONTREFAÇON

La saisie-contrefaçon est le moyen généralement utilisé en France pour obtenir la preuve de la contrefaçon. Cette procédure est ordonnée par le juge, sur requête du titulaire du droit (brevet, certificat d’utilité ou certificat complémentaire de protection), dès lors que le brevet ou le certificat d’utilité a été déposé ou délivré, qu’il est toujours en vigueur et que le demandeur a des droits sur le titre. Il est cependant nécessaire d’apporter au juge des débuts de preuve de la contrefaçon.

La loi prévoit en effet que le titulaire du droit peut, sur simple requête adressée au juge, être autorisé, par ordonnance, à faire établir un constat d’huissier aux termes duquel il apportera la preuve de la contrefaçon.

Une fois l’ordonnance de saisie-contrefaçon rendue par le juge, l’opération est exécutée par l’huissier sans aucune signification préalable au contrefacteur présumé, autre que la présentation de l’ordonnance immédiatement avant le début des opérations de saisie.

L’huissier peut se faire assister d’un expert qui, en pratique, est le Conseil en propriété industrielle du titulaire du droit.

La saisie-contrefaçon peut être pratiquée sur le lieu même de production de la contrefaçon présumée et l’huissier procède, conformément à l’ordonnance, à la description du produit ou du procédé présumé contrefait accompagnée d’une description et de photographies s’il y a lieu, et avec, si nécessaire, saisie d’un certain nombre d’échantillons de ces mêmes produits.

L’huissier est généralement assisté du Conseil en propriété industrielle du titulaire du droit, ainsi que d’un commissaire de police et de toute autre personne habilitée le cas échéant (photographe...). L’huissier établit un procès-verbal dans lequel figurent toutes les preuves matérielles (photographies, photocopies, notices des produits ou procédés contrefaits...). Une copie du procès-verbal sur la base duquel sera exercée l’action en contrefaçon est laissée à la partie ayant fait l’objet de la saisie.

Les éléments de preuve portant sur le produit ou le procédé supposé contrefaisant peuvent être par la suite complétés en faisant une demande au juge saisi de l’action afin de déterminer l’origine de la contrefaçon, les réseaux de distribution des produits contrefaits ainsi que les quantités et les prix de ces produits.

L’ASSIGNATION EN CONTREFAÇON

À peine de nullité, une assignation en contrefaçon doit être présentée devant le tribunal de grande instance compétent dans les trente jours suivant la saisie contrefaçon, à l’encontre d’au moins l’un des présumés contrefacteurs.

L’assignation précise les arguments du demandeur, établissant par exemple les caractéristiques essentielles de l’invention brevetée et les ressemblances observées avec le produit contrefait, tel que le procès-verbal de saisie-contrefaçon l’a démontré.

L’assignation doit contenir la liste exacte et complète des revendications présumées contrefaites qui sont invoquées, et en outre, indiquer les motifs de l’action ainsi que les demandes de cessation de la contrefaçon et de réparation des dommages subis.

LA COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE

L’action en contrefaçon de brevet, certificat d’utilité ou certificat complémentaire de protection, est portée devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, seul compétent en cette matière.

L’INTERDICTION PROVISOIRE DE POURSUIVRE LA CONTREFAÇON

Si le titulaire du droit est à même d’apporter la preuve de la contrefaçon, éventuellement même avant toute opération de saisie-contrefaçon, il peut demander au Président du Tribunal de Grande Instance d’ordonner immédiatement la cessation de la saisie-contrefaçon. Cette demande peut être faite après délivrance d’une assignation au fond ou même avant celle-ci.

Le titulaire du droit doit cependant montrer la vraisemblance d’une atteinte à ses droits.

La mesure provisoire ordonnée par le Président du Tribunal peut intervenir quelques mois après avoir été demandée par le titulaire du droit, et est susceptible de recours.

LA PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL

Si l’action a été engagée sur la base d’un certificat d’utilité, le demandeur doit fournir au tribunal un rapport de recherche établi par l’INPI. La procédure est suspendue jusqu’à la fourniture de ce rapport de recherche.

Si l’action a été engagée sur la base d’une demande de brevet non encore délivrée ou susceptible de faire l’objet d’une opposition de tiers, le tribunal sursoit à statuer dans l’attente de la délivrance du brevet et de la fin d’une éventuelle procédure d’opposition.

Dès lors que le défendeur a été assigné et à l’issue d’un éventuel sursis à statuer, il dispose d’un délai pour présenter ses conclusions par écrit. Pour sa défense, il peut d’une part, contester les faits qui lui sont reprochés et notamment la contrefaçon, et d’autre part contester, par une demande reconventionnelle en nullité, la validité du droit (. brevet, certificat d’utilité ou certificat complémentaire de protection) qui lui est opposé.

Les conclusions se présentent sous la forme d’un document écrit, dans lequel le défendeur conteste la contrefaçon et/ou la validité du droit (défaut de nouveauté ou d’activité inventive, insuffisance de description de l’invention, ou tout autre motif de nullité prévu par la loi).

Le défendeur bénéficie d’un délai de 6 à 12 mois à compter de la réception de l’assignation pour présenter ses conclusions.

Le demandeur peut ensuite présenter des arguments contradictoires, démontrant par exemple que l’invention demeure brevetable malgré les arguments développés par la partie adverse.

D’autres échanges de conclusions peuvent intervenir entre les parties. Bien qu’il soit possible d’introduire de nouveaux arguments à l’occasion de ces échanges, il est naturellement préférable de maintenir la même stratégie durant toute la procédure.
Les dernières conclusions prennent généralement la forme de conclusions récapitulatives qui permettent aux magistrats de disposer de toute l’argumentation de chaque partie sous la forme d’un document unique.

LA NOMINATION D’UN EXPERT TECHNIQUE

Les tribunaux ne sont pas tenus de se faire assister d’un expert. Cependant, dans certains cas, les parties préfèreront solliciter du tribunal la nomination d’un technicien chargé d’une expertise. Cela peut s’avérer nécessaire lorsqu’il s’agit d’une invention dans le domaine de la chimie, pour laquelle les produits argués de contrefaçon nécessitent un certain nombre d’analyses et de tests de comparaison.

Si le Tribunal décide de nommer un expert, il lui soumet un certain nombre de questions. L’expert organise plusieurs réunions avec les parties concernées, au cours desquelles elles pourront exposer leurs arguments. Selon le degré de difficulté rencontré, l’expertise peut se dérouler sur une voire deux années.

À l’issue de son expertise, l’expert rédige un rapport dans lequel il apporte des réponses aux questions posées par le Tribunal. Les parties ont ensuite l’opportunité de discuter le rapport de l’expert dans le cadre de conclusions adressées au tribunal.

L’AUDIENCE ET LES PLAIDOIRIES

Après un certain nombre d’échanges de conclusions (généralement 2 à 4) le juge de la mise en état décide de clôturer le dossier et fixe une date limite pour procéder au dépôt de conclusions finales, de même qu’une date d’audience. Celle-ci se déroule généralement un à deux ans après la première assignation, sauf si un expert est nommé, auquel cas le délai peut être prolongé d’environ un ou deux ans.

L’audience doit être minutieusement préparée, et la plaidoirie de l’avocat devra se fonder sur les conclusions. Cependant, il arrive que les avocats s’écartent de l’argumentation développée dans les conclusions. Il est donc nécessaire de se préparer à cette éventualité.

La plaidoirie de chacun des avocats représentant les parties dure de 1 à 3 heures. Le demandeur intervient en premier, le défendeur ayant ainsi l’opportunité de répondre aux arguments du demandeur.

Généralement, l’audience se déroule sur une demi-journée, voire deux si l’affaire le requiert. À l’issue de l’audience, les avocats remettent leur dossier de plaidoirie aux juges du Tribunal. La décision du tribunal intervient quelques mois après l’audience.

LE JUGEMENT DU TRIBUNAL

Lorsque la décision du tribunal de première instance est rendue en faveur du demandeur, le juge ordonne généralement la nomination d’un expert chargé de calculer le montant des dommages. Le juge peut ordonner simultanément le paiement d’une provision.

Dans la plupart des cas, la décision du tribunal ordonne l’interdiction immédiate de la poursuite de la contrefaçon. Dans ce cas, le contrefacteur doit cesser de vendre ou fabriquer les produits argués de contrefaçon, y compris durant la procédure d’appel si celle-ci est mise en œuvre.

LA PROCÉDURE D’APPEL

Cette procédure est similaire à la celle de première instance. Elle se déroule devant la Cour d’Appel de Paris, seule compétente en cette matière et dure généralement aussi longtemps que la procédure de première instance.

En conséquence, les parties s’échangent par conclusions leurs arguments par écrit. Durant la procédure d’appel, les parties peuvent ne pas se limiter aux arguments avancés en première instance, mais apporter de nouveaux arguments et fonder leur argumentation sur de nouvelles antériorités.

L’audience en appel intervient environ deux ans après la décision de première instance et présente les mêmes caractéristiques que celle-ci.

Lorsque le demandeur obtient gain de cause, la Cour d’Appel rend une ordonnance afin de faire cesser la contrefaçon définitivement.

La décision prononcée, le défendeur ne peut plus poursuivre les actes de contrefaçon qui lui ont été reprochés, sous peine d’une condamnation au paiement de dommages intérêts élevés.

La Cour peut en outre, d’une part, ordonner la destruction ou la remise au titulaire des produits contrefaits, et d’autre part, autoriser la publication d’extraits de la décision dans divers journaux et publications.

La Cour d’Appel peut nommer un expert pour la détermination des dommages intérêts demandés si un tel expert n’a pas déjà été nommé par le Tribunal de première instance.

En principe, les décisions rendues et le montant des dommages s’y rapportant sont limités à la contrefaçon constatée en France.

Il est cependant possible de demander aux tribunaux d’étendre les effets de la décision au-delà du territoire national dans le cadre des dispositions du règlement communautaire sur l’exécution des décisions dans l’Union Européenne (ancienne Convention de Bruxelles).

LA DÉTERMINATION DES DOMMAGES INTÉRÊTS DU FAIT DE LA CONTREFAÇON

Le montant des dommages intérêts doit correspondre au préjudice subi par le demandeur.

Le tribunal doit tenir compte du manque à gagner subi par le titulaire du droit ainsi que des bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Les gains manqués sont généralement calculés en tenant compte du nombre de produits contrefaits vendus ou fabriqués par le contrefacteur et de la marge habituellement réalisée par le titulaire du droit sur le produit protégé. Si le produit protégé constitue uniquement une partie d’un ensemble, le tribunal devra déterminer si l’ensemble incluant la partie protégée doit être considéré, ou non, comme un tout commercial. Le montant des dommages sera calculé en proportion. Le tribunal devra de même prendre en considération les capacités (industrielles et d’implantation sur le marché...) du titulaire du droit par rapport à celles du contrefacteur, pour déterminer si le titulaire du droit aurait été en mesure de fabriquer ou vendre le produit en question dans les mêmes proportions que le contrefacteur.

Alternativement et sur demande du titulaire du droit, le tribunal peut déterminer les dommages intérêts sur la base du taux habituel d’une redevance de licence, selon le domaine technique considéré.

En pratique, le montant des dommages-intérêts est déterminé à partir du rapport établi par un expert, nommé en première instance ou en Appel, selon le degré de juridiction qui a reconnu la contrefaçon. L’expert est autorisé à examiner les comptes des parties.

Lorsque l’expert a terminé ses investigations, il rédige un rapport dans lequel il expose ses conclusions à la juridiction qui l’a nommé.

Cette juridiction, Tribunal de Grande Instance ou Cour d’Appel, entend alors les arguments des parties concernant le montant des dommages-intérêts et les différentes réparations. Les arguments sont exposés, d’abord par écrit sous forme de conclusions, puis oralement au cours d’une audience de plaidoirie.

Si le montant des dommages est déterminé par le Tribunal de première instance, les parties peuvent interjeter appel afin de faire reconsidérer ce montant.
Le montant des dommages-intérêts finalement déterminé fait l’objet d’une réévaluation tenant compte de l’inflation qui s’est produite depuis le début de la procédure.

LES FRAIS DE PROCÉDURE

Le tribunal peut accorder à la partie ayant obtenu gain de cause, une somme forfaitaire correspondant aux frais du procès, à condition que des éléments justificatifs suffisants soient présentés.

Si le défendeur obtient gain de cause, il ne reçoit généralement aucune compensation supplémentaire, même lorsque le tribunal déclare le droit nul ou écarte la contrefaçon.

LA COUR DE CASSATION

Les arrêts rendus par la Cour d’Appel sont susceptibles d’un pourvoi en cassation. La Cour de cassation ne se prononce que sur des points de droit concernant l’arrêt attaqué. La procédure n’est pas suspensive, de sorte que le contrefacteur ne peut poursuivre les actes de contrefaçon dès lors que la Cour d’Appel a reconnu l’existence de la contrefaçon et la validité du droit.

La Cour de cassation ne traite le dossier que si elle estime qu’il y a matière à discussion. Dans les autres cas, elle rend une ordonnance qui clôt le litige sans décision (70 % des cas).

Si la Cour de cassation accepte d’examiner l’affaire, les parties font état de leurs arguments essentiellement par écrit et l’Arrêt de la Cour de cassation intervient après une à deux années.

Si l’arrêt de la Cour de cassation confirme la décision rendue en appel, il est mis fin à la procédure.

Dans le cas contraire, la Cour de cassation "casse" l’arrêt de la Cour d’Appel, et l’affaire est renvoyée en appel devant la même Cour d’Appel de Paris autrement constituée. Les parties devront à nouveau présenter leurs arguments par conclusions et lors d’une nouvelle audience devant la Cour d’Appel de renvoi. La procédure est la même que celle suivie précédemment en appel. Cependant, la Cour d’Appel de renvoi suit généralement les conclusions de l’arrêt de cassation.

Très rarement, il se peut que la Cour d’Appel de renvoi rende une décision similaire à celle initialement rendue en appel. Dans ce cas, sa décision est à nouveau susceptible d’un pourvoi en cassation, mais cette fois devant la Cour de cassation composée de cinq Juges dont la décision finale doit être impérativement confirmée par la dernière Cour d’Appel de Paris.

Mise à jour : Avril 2020

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