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Présentation du brevet unitaire, mesures transitoires et sunrise period

Le brevet unitaire et la Juridiction unifiée du brevet (JUB) vont prochainement compléter l’actuel système de protection par brevets en Europe.

Le brevet unitaire offrira à ses utilisateurs un titre de protection plus économique et ayant un effet unitaire identique dans tous les Etats membres concernés de l’UE.
La Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) pourra statuer de manière centralisée et harmonisée sur la validité et la contrefaçon des brevets en Europe.

L’entrée en vigueur de ces nouveaux instruments devrait intervenir prochainement, en octobre 2022 ou début 2023.

Le brevet unitaire

Comment obtenir un brevet unitaire ?

Le brevet unitaire est en réalité un brevet européen, examiné et délivré par l’Office Européen des Brevets (OEB), mais qui a un effet identique dans tous les Etats membres de l’UE ayant ratifié l’accord sur la JUB. S’il est annulé ou cédé, c’est pour tous les Etats en même temps.

Le brevet unitaire est délivré par l’OEB selon la procédure d’examen habituelle des brevets européens.

Le titulaire peut, s’il le souhaite, demander l’obtention d’un brevet unitaire dans un délai d’un mois (non prolongeable) à compter de la délivrance du brevet européen.

Pour un brevet unitaire, il n’est plus nécessaire de traduire tout ou partie du brevet délivré dans différentes langues nationales.
Pour l’instant, et pendant une période transitoire (de 6 ans renouvelable une fois), il convient seulement de fournir une traduction du brevet dans une seule langue (en anglais s’il est rédigé en français ou en allemand, dans n’importe quelle langue de l’Union européenne s’il est rédigé en anglais).
A l’issue de cette période transitoire, plus aucune traduction ne sera requise.

Mais, compte tenu du caractère unitaire, le choix du brevet unitaire n’est possible que si les revendications sont les mêmes pour tous les Etats membres concernés de l’UE. Si un droit national antérieur non publié existe et nécessite de prévoir des revendications plus limitées pour ce pays, seul un brevet européen classique peut être obtenu. Par ailleurs, si ce droit antérieur national est découvert par la suite, cela entraîne la nullité du brevet unitaire.

Une opposition peut être faite à l’encontre d’un brevet unitaire dans les neuf mois de la délivrance, comme pour un brevet européen traditionnel. Le brevet unitaire peut ainsi être annulé par l’OEB.

Contrairement au brevet européen, pour lequel les différents tribunaux nationaux sont compétents pour chacune des parties nationales, la contrefaçon et la validité du brevet unitaire sont jugées exclusivement et par une seule décision d’une nouvelle juridiction, la Juridiction unifiée du brevet (dite « JUB »).

Quels pays couvre le brevet unitaire ?

Une protection par brevet unitaire sera possible, au début, dans les 17 Etats de l’UE ayant déjà ratifié l’Accord sur la JUB, à savoir : France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Italie, Portugal, Autriche, Suède, Finlande, Danemark, Bulgarie, Slovénie, Bulgarie, Lettonie, Lituanie et Malte.

L’Espagne, la Croatie et la Pologne ont décidé, pour l’instant, de ne pas participer.
Les pays hors de l’UE, comme le Royaume-Uni ou la Suisse, ne peuvent pas être couverts par le brevet unitaire.

Pour une couverture territoriale plus importante, il sera possible de combiner le brevet unitaire avec un brevet européen classique afin de protéger des Etats hors de l’UE (par exemple le Royaume-Uni ou la Suisse) ou encore des Etats de l’UE ne participant pas au système du brevet unitaire.

Enfin, bien entendu, le choix du brevet unitaire n’est qu’une option : il est toujours possible de préférer un brevet européen validé dans plusieurs pays.

Quels sont les coûts du brevet unitaire ?

La demande d’obtention d’un brevet unitaire ne fait l’objet d’aucune taxe officielle perçue par l’OEB.

Comme indiqué précédemment, les coûts de traduction post-délivrance sont réduits par rapport à la validation d’un brevet européen traditionnel, étant donné qu’il suffit de fournir une seule traduction pendant une période transitoire, et que plus aucune traduction ne sera demandée à terme.

En outre, une unique taxe annuelle est exigée pour le maintien en vigueur du brevet unitaire, taxe qui est à payer directement à l’OEB.

Cela simplifie la gestion administrative des renouvellements des portefeuilles brevets avec une procédure centralisée et un seul délai à surveiller par brevet unitaire.

Le montant de cette taxe annuelle a été fixé à un niveau intéressant pour les entreprises validant aujourd’hui leurs brevets européens dans au moins quatre pays, puisque son montant correspond à la somme des taxes annuelles qui étaient appliquées en 2015 en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.

Il est possible de comparer les coûts des taxes annuelles pour un brevet unitaire et pour un brevet européen en fonction des pays d’intérêt à protéger au moyen de l’application UPP conçue par Casalonga, accessible directement via notre site internet sous ce lien et prochainement disponible sur Google Play et Apple Store.

Entrée en vigueur

Pour que le brevet unitaire soit opérationnel, il faut impérativement que la Juridiction unifiée (la JUB) soit en vigueur, car c’est le seul organe judiciaire compétent pour décider de la validité et de la contrefaçon de ce brevet unitaire.

Le 19 janvier 2022, l’Autriche a ratifié le Protocole sur l’application provisoire de l’Accord relatif à la JUB, ce qui a permis de lancer officiellement une période au cours de laquelle les préparatifs d’ordre technique, administratif et infrastructurel seront effectués, afin de mettre en place la Juridiction unifiée et donc le brevet unitaire.

Ces préparatifs devraient durer environ 8 moins.

Une fois que la JUB sera jugée opérationnelle, le dernier instrument de ratification pourra être déposé, ce qui permettra l’entrée en vigueur du brevet unitaire et de la JUB en principe en octobre 2022 ou début 2023.

Mesures transitoires

Un brevet unitaire pourra être demandé pour tout brevet européen délivré à partir de la date d’entrée en vigueur de l’Accord relatif à la JUB.

Cependant, l’OEB a récemment décidé de mettre en place des mesures transitoires destinées à permettre le recours au brevet unitaire avant l’entrée en vigueur de ce nouveau système, pour les demandes de brevet pour lesquelles la délivrance est envisagée, i.e. les demandes pour lesquelles une notification établie selon la Règle 71(3) CBE a été reçue.

En effet, à partir d’une date qui pourrait être le 1er juillet 2022, il sera possible, uniquement pour ces demandes de brevet pour lesquelles une notification établie selon la Règle 71(3) CBE a été reçue, de :

a) demander un effet unitaire anticipé, et/ou
b) requérir le report de la décision de délivrance du brevet européen.

Demande d’effet unitaire anticipé

Dans le cas d’une demande d’effet unitaire anticipé, le demandeur devra présenter une requête et fournir la traduction complète du brevet européen (en anglais pour un brevet en français ; dans n’importe quelle langue de l’Union européenne pour un brevet en anglais).

Si toutes les exigences sont remplies (requête, traduction et jeu de revendications identiques), l’OEB enregistrera l’effet unitaire qui sera effectif dès l’entrée en vigueur du brevet unitaire.

Il est important de noter que si l’OEB constate des irrégularités formelles, il sera possible d’y remédier avant l’entrée en vigueur du brevet unitaire.

Report de la décision de délivrance

Le demandeur pourra en outre demander le report de la décision de délivrance, mais uniquement s’il n’a pas encore répondu à la notification selon la Règle 71(3) CBE en donnant son accord sur le texte.
L’OEB reportera la décision de délivrer le brevet européen, de façon à ce que la mention de la délivrance soit publiée à la date d’entrée en vigueur du brevet unitaire ou immédiatement après.

Le demandeur aura alors la possibilité de déposer, s’il le souhaite, une demande d’effet unitaire un mois après la publication de la mention de délivrance.

Il est important de noter que cette mesure transitoire n’a d’intérêt que pour les demandes européennes qui, sans elle, auraient été délivrées avant l’entrée en vigueur du brevet unitaire et n’auraient donc pas pu en bénéficier.

Il convient également de noter que le report de la décision de délivrance n’a pas d’incidence sur le délai de 4 mois pour répondre à la notification selon la Règle 71(3) CBE.

Comment bénéficier au mieux des mesures transitoires ?

Les mesures transitoires mises en place par l’OEB sont complémentaires et ne seront utilisables que jusqu’à la veille de la date d’entrée en vigueur du brevet unitaire.

Une demande d’effet unitaire anticipée n’a pas pour effet de retarder la décision de délivrance. Il est donc préférable de requérir également le report de la décision de délivrance.

Pour augmenter les chances de bénéficier de ces mesures transitoires, il est possible de retarder la procédure d’examen, par exemple en déposant une prolongation de délai pour la réponse à une notification d’examen, ou en apportant des corrections sur le texte que l’OEB envisage de délivrer si une notification établie conformément à la Règle 71(3) CBE a déjà été reçue, afin qu’une nouvelle notification soit émise.

La Juridiction unifiée du brevet (JUB)

La JUB sera seule compétente pour décider de la validité et de la contrefaçon des brevets unitaires.

La JUB sera également compétente pour les brevets européens classiques délivrés avant ou après l’entrée en vigueur de la Juridiction.

L’ambition de la JUB est de permettre de remplacer l’engagement d’actions multiples devant différents tribunaux nationaux par une seule action, et d’harmoniser la jurisprudence en Europe en matière de validité et de contrefaçon des brevets.

Une décision de la JUB pourra s’étendre à tout le territoire des Etats membres de l’UE ayant ratifié l’accord sur la JUB : des dommages-intérêts pour des actes de contrefaçon commis sur tout ce territoire pourront ainsi être obtenus par une seule décision. Mais une décision unique de la JUB pourra aussi annuler un brevet européen pour tous les Etats membres contractants.

En ce qui concerne les brevets européens classiques, une action en contrefaçon ou en nullité pourra toujours être engagée devant des tribunaux nationaux, pendant une période transitoire de sept ans, susceptible d’être prolongée jusqu’à sept ans supplémentaires.

Une fois cette période transitoire terminée, la JUB sera également seule compétente pour décider de la validité et de la contrefaçon des brevets européens classiques.

Peut-on déroger à la compétence de la JUB (opt-out) ?

Pendant la période transitoire de sept ans (renouvelable une fois), le titulaire d’un brevet européen ou le demandeur d’une demande de brevet publiée, ainsi que le propriétaire d’un certificat complémentaire de protection (CCP) auront la possibilité de déroger à la compétence de la JUB pour un brevet ou une demande de brevet européen déterminé.

Cette demande de dérogation (appelée en anglais opt-out) pourra être déposée au plus tard un mois avant l’expiration de la période transitoire de sept ans.

La demande de dérogation devra être déposée auprès du greffe de la JUB (et non à l’OEB) en ligne.

Une telle dérogation permettra d’éviter une action en nullité centralisée devant la JUB.

Une dérogation est valable pendant toute la durée de vie du brevet européen et/ou du CCP, mais peut être aussi retirée à tout moment, notamment avant d’engager une action en contrefaçon devant la JUB.

Une fois qu’une dérogation a été retirée, il n’est plus possible de faire enregistrer une nouvelle dérogation.

Par ailleurs, il n’est pas possible de faire une dérogation si une action est déjà engagée devant la JUB et il n’est pas possible de retirer une dérogation si une action a été engagée devant un tribunal national.

Période préliminaire dite « Sunrise Period » pour l’opt-out

Il sera possible de demander l’enregistrement d’une dérogation à la compétence de la JUB avant l’entrée en vigueur de la Juridiction, pendant une période préliminaire dite « Sunrise Period », qui devrait débuter au plus tôt à partir du 1er juillet 2022.

Si une demande de dérogation est déposée pendant cette période préliminaire, la dérogation sera considérée comme ayant été enregistrée à la date d’entrée en vigueur de la Juridiction, ce qui évitera le risque d’une action en nullité devant la JUB dès le premier jour de son entrée en vigueur.

La procédure d’enregistrement d’une dérogation est relativement complexe et sera détaillée dans une note d’information séparée.

Nous restons à votre disposition pour vous donner toute information complémentaire et ne manquerons pas de vous informer à nouveau dès que seront connues les précisions nécessaires à l’entrée en vigueur de certaines de ces nouvelles dispositions.