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26 juin 2018 - Rejet de la demande en interdiction provisoire du CCP protégeant la combinaison d’ezetimibe et de simvastatine

Interprétation des articles 3 c) et 3 d) du Règlement (CE) N°469/2009

La Cour d’Appel de Paris confirme l’Ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de Paris du 5 avril 2018 rejetant les demandes en interdiction provisoire formées sur la base du CCP n°05C0040

Par arrêt du 26 juin 2018, et en se fondant sur les articles 3 c) et 3 d) du Règlement (CE) n°469/2009, la Cour d’Appel de Paris a confirmé l’ordonnance de référé rendue le 5 avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, écartant les demandes en interdiction provisoire formées à l’encontre de la société Biogaran et basées sur le CCP n°05C0040 protégeant un produit de combinaison d’ezetimibe et de simvastatine.

Le brevet de base et les CCP

Dans cette affaire, le brevet de base EP 0 720 599 (ci-après EP 599), déposé le 14 septembre 1994, et aujourd’hui expiré, portait sur des « composés d’azetidinone hydroxy-substitués efficaces en tant qu’agents hypocholesterolémiques », et visait en particulier l’ezetimibe dans sa revendication 8, et la combinaison d’ezetimibe avec la simvastatine dans sa revendication 17.

Ce brevet EP 599 avait donné lieu à un premier CCP n°03C0028 (ci-après CCP 028) portant sur l’ezetimibe (correspondant à une AMM pour la spécialité Ezetrol®) expiré le 17 avril 2018, puis à un second CCP n°05C0040 (ci-après CCP 040) portant sur l’« ezetimibe éventuellement sous la forme de ses sels pharmaceutiquement acceptables en combinaison avec la simvastatine » expirant le 2 avril 2019 (correspondant à une AMM pour la spécialité Inegy®).

Ces deux CCP avaient été délivrés avant les décisions rendues par la CJUE dans les affaires Medeva & Co.

Les procédures

La société Biogaran a engagé au mois de décembre 2017 une action au fond devant le Tribunal de Grande Instance de Paris aux fins de nullité du CCP 0040.

La société Biogaran a ensuite été assignée en référé le 15 février 2018 par la titulaire du CCP 040 lui reprochant une atteinte imminente de contrefaçon de ses droits et sollicitant des mesures provisoires à son encontre.

L’ordonnance de référé du 5 avril 2018

Par ordonnance de référé rendue le 5 avril 2018, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait débouté le titulaire de ses demandes d’interdiction provisoire, considérant :

  • - que si « la revendication 17 répond à la condition posée par la CJUE puisqu’elle vise spécifiquement la simvastatine en combinaison avec l’ezetimibe (…) cependant, pour obtenir un second CCP à partir d’un même brevet de base, la combinaison ne doit pas seulement être spécifiée en tant que telle dans une revendication, elle doit encore être en elle-même le centre de l’invention »,
  • - et qu’en l’espèce, « seuls les composés de la famille des azétidinones substituées dont l’ezetimibe sont le cœur de l’invention, la simvastatine étant déjà connue », « et si cette association correspond bien au critère de nouveauté s’agissant de la brevetabilité, elle ne correspond pas, s’agissant de la validité du CCP n°05C0040 au critère supplémentaire défini par la CJUE qui impose que la revendication relative à la combinaison divulgue le cœur de l’invention. Or, cette association ne constitue que la juxtaposition de deux caractéristiques ou principes actifs, l’une pouvant exister sans l’autre et ne nécessitant pas la mise en œuvre de l’autre pour se réaliser ce qu’admettent d’ailleurs les sociétés [demanderesses]. Le brevet n’enseigne aucun avantage à prendre l’ezetimibe et la simvastatine dans un même comprimé par rapport à la prise d’un médicament contenant le seul ezetimibe et un autre médicament contenant la seule simvastatine », « ainsi, cette combinaison proposée ne correspond pas au cœur de l’invention », « en conséquence, faute de remplir la deuxième condition définie dans l’arrêt Georgetown à savoir le fait que la combinaison revendiquée soit également le cœur de l’invention, le CCP n°05C0040 n’est pas valide et sera déclaré nul ».

La confirmation par la Cour d’appel : l’arrêt du 26 juin 2018

Statuant à bref délai en appel de cette ordonnance de référé, la Cour d’appel de Paris vient de confirmer en toutes ses dispositions cette décision, statuant non seulement à la lumière de l’article 3 sous c), mais aussi de l’article 3 sous d) du Règlement (CE) N°469/2009.

Après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour de Justice, la Cour d’appel de Paris a jugé :

Application de l’article 3 sous c) du Règlement (CE) N°469/2009 :

  • - « Qu’il n’est pas contesté en l’espèce que la simvastatine, principe actif relevant de la catégorie des statines ou encore « inhibiteurs de HMG CoA réductase » n’est pas protégée en tant que telle par ce brevet ni, d’ailleurs, par un autre brevet ;
  • - Qu’il en résulte dès lors que l’article 3 sous c) du règlement (CE) n°469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009, tel qu’interprété par ce même arrêt, s’opposait à ce que le CCP 040 soit délivré ;
  • - Considérant que pour s’opposer néanmoins à ce qui précède, les sociétés [intimées] soutiennent, ainsi qu’il est exposé ci-dessus, que le brevet EP 599 couvrirait deux inventions, l’une portant sur une nouvelle classe de composés, dont l’ezetimibe et l’autre sur l’utilisation de l’ezetimibe en combinaison avec des statines pour la réduction du niveau de cholestérol dans le sang et qu’au sens des articles 1 et 3(a) du Règlement CCP, la combinaison des principes actifs ezetimibe et simvastatine constituerait un “produit” protégé par le brevet de base ;
  • - Mais considérant qu’alors qu’il résulte des motifs qui précèdent que seul l’ezetimibe constitue le principe actif novateur protégé par le brevet EP 599, cependant que la simvastatine, médicament connu, n’est pas protégée par ce brevet, le moyen tiré du caractère inventif de leur combinaison est inopérant au regard du dit pour droit de l’arrêt C-443-12 précité ; (…)

Application de l’article 3 sous d) du Règlement (CE) N°469/2009 :

  • - Considérant enfin, à supposer même, ce qui est démenti ci-dessus, que le brevet EP 599 protège, au sens des articles 1 et 3(a) du Règlement CCP, en tant que tels deux produits distincts, d’une part l’ezetimibe, d’autre part, la combinaison de l’ezetimibe avec la simvastatine, c’est à juste titre qu’en cause d’appel la société Biogaran oppose que l’autorisation de mise sur le marché du 28 juillet 2005 couvrant ce second produit de combinaison sous la marque Ezetrol® n’aurait pas été la première au sens de l’article 3(d) du règlement ;
  • - Qu’il ressort en effet du résumé des caractéristiques du produit Ezetrol® ayant donné lieu à l’autorisation de mise sur le marché du 11 juin 2003 que ce médicament, proposé sous la forme d’un comprimé de 10 mg d’ezetimibe, fait l’objet d’une indication thérapeutique en association avec une statine pour le traitement de l’hyper cholestérolémie, pour la prévention des événements cardiovasculaires et l’hyper cholestérolémie familiale homozygote ; que sa posologie, lorsqu’il est prescrit avec une statine, fait l’objet de développements particuliers ; que son administration en association avec une statine est contre-indiquée dans certains cas, notamment en cas de grossesse ; que plus généralement, les 17 pages de ce document se réfèrent toutes à l’administration du médicament Ezetrol® soit seul, soit en association avec une statine ; que plus spécifiquement, des développements sont consacrés en pages 10, 11, 12, 13, 14 et 15 à l’administration de l’Ezetrol avec la simvastatine ;
  • - Qu’il résulte de l’analyse qui précède que le produit de combinaison de l’ezetimibe avec la simvastatine a déjà fait l’objet d’une première autorisation de mise sur le marché le 11 juin 2003, et que la seconde autorisation obtenue le 28 juillet 2005 ne permettait pas la délivrance d’un certificat complémentaire de protection au regard de l’article 3(d) du règlement ;
  • - Que l’atteinte imminente à un droit privatif n’étant pas caractérisée, il n’y a pas lieu à référé et l’ordonnance sera confirmée en ce sens  ».

L’affaire est actuellement pendante au fond devant la Tribunal de Grande Instance de Paris.