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G 2/21 - Plausibilité : décision de la Grande Chambre de recours de l’OEB

La Grande Chambre de recours de l’Office européen des brevets a rendu sa décision sur la plausibilité (G2/21), annoncée dans notre précédente brève.

Elle y qualifie le principe de la libre appréciation des preuves en tant que principe universellement applicable pour l’évaluation des moyens de preuve selon la Convention sur le brevet européen (CBE).
Autrement dit, un moyen de preuve soumis pour prouver un effet technique qui permet de supporter l’activité inventive ne peut pas être rejeté pour la seule raison qu’il a été publié après le dépôt du brevet.

La Grande Chambre de recours considère par ailleurs que le concept de plausibilité n’est pas un concept ou une exigence spécifique qui relève de la CBE. Il s’agit simplement d’une formulation qui a été développée par la jurisprudence.
Selon la Grande Chambre de recours, le critère pertinent pour s’appuyer sur un prétendu effet technique lors de l’évaluation de l’activité inventive au sens de l’article 56 CBE concerne la question de savoir ce que l’homme du métier, ayant les connaissances générales à l’esprit, comprendrait, à la date de dépôt de la demande telle que déposée initialement, comme étant l’enseignement technique de l’invention revendiquée. L’effet technique invoqué, même à un stade ultérieur, doit être englobé par cet enseignement technique et incarner la même invention, parce que cet effet ne change pas la nature de l’invention revendiquée.

La Grande Chambre de recours reconnaît le caractère abstrait de ce critère, mais estime qu’il doit permettre aux instances compétentes confrontées à un cas d’espèce particulier d’apprécier si une preuve post-dépôt peut ou non être admise pour soutenir un effet technique lors de l’évaluation de l’activité inventive.

Il conviendra de surveiller la façon dont les Chambres de recours appliqueront ce critère.

Enfin, bien que non saisie de cette question, la Grande Chambre de recours élargit sa réflexion au cas de la suffisance de description des revendications de 2e application thérapeutique. Elle relève que le critère de plausibilité a pu être utilisé dans ce cas par les chambres de recours. En effet, l’effet thérapeutique étant une caractéristique technique de la revendication, la question de la preuve de cet effet est une question de suffisance de description.

La Grande Chambre conclut que la possibilité de s’appuyer sur une preuve post-dépôt est plus limitée pour la suffisance de description que pour l’activité inventive. Pour satisfaire au critère de suffisance de description, la preuve de l’effet thérapeutique doit être fournie dans la demande telle que déposée, en particulier si, en l’absence de données expérimentales dans la demande telle que déposée, il ne serait pas crédible pour l’homme du métier que l’effet thérapeutique soit obtenu. Une preuve post-dépôt ne peut remédier à ce manque.

De façon intéressante, la Grande Chambre passe en revue les jurisprudences nationales concernant la suffisance de description. Pour la France, elle cite notamment la décision de Finastéride (Cour de cassation, Merck c. Teva). Tout en relevant l’absence de critère précis liant l’admissibilité des documents post-dépôts et la notion de plausibilité, la Grande Chambre relève que ces documents peuvent être considérés comme pertinents, en particulier lorsqu’ils servent à supporter les conclusions de la demande de brevet, plutôt que pour compenser une déficience intrinsèque.